Le Burkina Faso et le Canada ont célébré en 2022, le 60e anniversaire de la coopération Burkina-Canada. A cette occasion, RSE Mines Magazine a donné la parole à son Excellence, Lee-Anne Hermann, Ambassadrice du Canada au Burkina Faso et au Bénin. Elle parle des relations entre les deux pays, présente la nouvelle stratégie de Responsabilité sociale des entreprises axée sur la notion de Conduite Responsable des Entreprises et apporte des précisions sur la contribution du Canada au développement du Burkina Faso. https://minesactu.info publie les parties de l’interview qui concernent le secteur minier.
RSE Mines Magazine : Pouvez-vous, vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Lee-Anne HERMANN, l’ambassadrice du Canada au Burkina Faso et au Bénin, poste que j’occupe depuis un an. Je suis une agente du service extérieur canadien de carrière et j’ai été affectée en Afrique, en Asie et en Europe. Je suis ici à Ouagadougou avec mon époux et notre fils. Le Burkina Faso est ma 3e affectation en Afrique.
Quelle appréciation faites-vous de ces années de coopération ?
Le Canada est fier d’avoir noué avec le Burkina Faso des relations diplomatiques et de coopération qui durent depuis 60 ans. Nous pouvons affirmer sans risque de se tromper que, durant toutes ces années, les relations ont été fructueuses et mutuellement avantageuses. L’Accord général de coopération signé en 1986 a été un tournant important dans les relations entre le Canada et le Burkina Faso. Cet accord a permis de dérouler de manière structurée et continue une coopération bénéfique au développement du peuple burkinabè, en particulier pour les communautés et les populations vulnérables. Après plusieurs politiques et documents qui ont guidé l’Aide publique au développement du Canada, parmi lesquels on peut citer « Partageons notre avenir… », « Le Canada contribue à un monde meilleur… », etc., le Canada a adopté en 2017 la Politique d’aide internationale féministe qui définit aujourd’hui nos priorités de coopération au Burkina Faso comme partout dans le monde. Ces priorités sont fondées, entre autres, sur l’égalité des genres et la promotion du renforcement du pouvoir des femmes et des filles, tout en œuvrant pour la dignité humaine à travers l’accès pour tous à l’éducation et la santé, la croissance économique verte, la paix et la cohésion sociale. En me fondant sur les actions menées au Burkina Faso en lien avec ces priorités, je suis fière de dire que le Canada est un partenaire de premier plan en développement, par l’intermédiaire de son programme bilatéral de développement.
Les entreprises canadiennes sont prédominantes dans le secteur minier industriel au Burkina Faso. Que représente les Investissements directs étrangers du Canada au Burkina Faso, comparés aux autres pays de l’Afrique?
Effectivement, les entreprises canadiennes sont assez présentes dans le secteur minier burkinabè. Selon les données de notre ministère en charge des ressources naturelles, il y a plus de 1,9 milliards de dollars canadiens (ndlr Plus de 860 milliards FCFA) d’investissements miniers canadiens au Burkina Faso en 2021. Cela fait du Canada la première source d’investissements privés étrangers au Burkina Faso. En comparaison aux autres pays ouest-africains, le Burkina Faso est le troisième récipiendaire d’investissements miniers canadiens, après le Mali et la Mauritanie. Une quinzaine d’entreprises minières canadiennes sont actives au Burkina Faso. Par ailleurs, on retrouve un vaste écosystème de fournisseurs de biens et services miniers canadiens travaillant en partenarait avec des PMEs burkinabè et contribution ainsi à donner un contenu à la stratégie nationale de contenu local adoptée par le gouvernement du Burkina Faso. Les partenariats entre fournisseurs c a n a d i e n s et burkinabè favorisent le transfert de savoir-faire et de technologies.
Pouvez-vous mesurer l’impact socio-économique de ces entreprises canadiennes sur le développement socio-économique du Burkina Faso?
Comme je le disais plus haut, le Canada est une source importante d’investissements directs étrangers au Burkina Faso, notamment dans le secteur minier. Ces investissements sont aujourd’hui un important levier économique qui appuie les relations commerciales entre les deux pays et contribuent au développement économique du Burkina Faso. Cela se fait à travers la création d’emplois pour les jeunes et les femmes, la contribution aux recettes budgétaires de l’état, l’intégration des PMEs burkinabè dans la chaîne d’approvisionnement minière qui crée davantage d’externalités positives pour l’économie burkinabè, le transfert de savoir-faire et j’en passe. L’histoire du Canada démontre que les industries extractives peuvent contribuer à édifier un pays. Les sociétés canadiennes actives dans le secteur extractif et dans la fourniture de biens et services miniers contribuent de façon marquée à la prospérité du Canada, tout comme au développement économique des pays où elles mènent des activités, y compris au Burkina Faso. En effet, le secteur minier peut servir de catalyseur pour la croissance économique, la création d’emplois et l’autonomisation socio-économique des femmes et des jeunes pour ainsi contribuer à répondre aux besoins socio-économiques de la population burkinabè. Mais pour y parvenir, il faut au préalable s’assurer une gouvernance vertueuse, respectueuse des règles et de l’environnement.
Le Canada a adopté une nouvelle stratégie Responsabilité sociale des entreprises axée sur la notion de Conduite Responsable des Entreprises. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En avril 2022, le Canada a lancé la stratégie sur la conduite responsable des entreprises (CRE). Cette stratégie quinquennale (2022-2027) établit des priorités pour le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire du Service des délégués commerciaux et de ses partenaires, afin d’aider les entreprises canadiennes à l’étranger à adopter des pratiques commerciales responsables parmi les meilleures au monde ; acquérir un avantage concurrentiel ; atténuer les risques ; contribuer à une reprise économique forte et inclusive. La Stratégie renforce l’approche équilibrée du Canada en matière de la CRE qui comprend des mesures préventives, des lois dans certains domaines et l’accès au règlement des différends. La stratégie s’applique à toutes les entreprises canadiennes actives à l’étranger, peu importe leur taille, leur secteur ou leur portée. La stratégie comprend l’élaboration d’un outil d’atténuation des risques et d’une norme sur la diligence raisonnable. La stratégie réaffirme que le Canada s’attend à ce que les entreprises canadiennes contribuent au développement durable et appuient les engagements du Canada envers les droits de la personne en intégrant des pratiques commerciales responsables dans toutes leurs activités, y compris les chaînes d’approvisionnement internationales.
Quelles sont les implications concrètes de la nouvelles stratégie Conduite Responsable des Entreprises au niveau des entreprises canadiennes exerçant au Burkina Faso et du secteur privé en général ?
La nouvelle stratégie est encore récente. Elle n’a été annoncée qu’en avril 2022. Mais ce qui est certain, le gouvernement du Canada s’attend à ce qu’elle aide les compagnies canadiennes de tous secteurs à mettre la gestion des risques pour l’environnement, les personnes et la société au centre de leurs activités. Cela est d’autant plus important que la prise en compte de la conduite responsable des entreprises (CRE) aide à atténuer les risques, renforce la résilience des entreprises pour faire face aux perturbations actuelles et futures. La CRE représente à ce titre un avantage concurrentiel. En outre, elle s’harmonise avec les engagements internationaux pris par le Canada et de ce fait est au cœur de nombreuses priorités pour le Canada. Évidemment, cette nouvelle stratégie ne sort pas ex nihilo. Elle fait suite à d’autres stratégies et c’est du reste pour cela que nous parlons de nouvelle stratégie. Elle va nous aider à bâtir sur ce qui a déjà été fait et qui vaut aux compagnies canadiennes d’être souvent citées en exemples partout où elles opèrent. En effet, elles sont connues pour être généralement de bons citoyens corporatifs qui appliquent les standards les plus élevés de leur secteur, en l’occurrence le secteur minier, pour ce qui est du cas du Burkina Faso. Vous conviendrez avec moi que les entreprises canadiennes ont joué et continuent de jouer un rôle pionnier dans la promotion et la défense de la RSE que nous appelons maintenant Conduite Responsable des Entreprises (CRE), incluant la promotion de la fourniture locale des biens et services miniers. Le gouvernement du Canada, par ses actions, a lui-même accompagné l’intégration des PMEs burkinabè dans la chaîne de valeur de l’exploitation minière en ouvrant résolument dans la facilitation de contacts d’affaires entre entreprises canadiennes et burkinabè à travers l’organisation régulière de missions commerciales et autres activités de réseautage. Cela fait du Canada, me semble-t-il, un partenaire idéal pour l’intégration des PMEs locales dans la fourniture de biens et services miniers comme du reste requis par la stratégie nationale de contenu local dans le secteur minier. Dans le cadre de leur responsabilité sociale, certaines entreprises minières canadiennes ont réalisé des projets conjoints avec le gouvernement du Canada. Il s’agit entre autres de la construction et la mise en service d’une station de traitement d’eau pour les populations du Sahel, notamment la commune de Dori, par le biais du projet ECED-Sahel avec une contribution significative de la société Iamgold. Une 2e phase de ce projet est du reste approuvée par le Canada pour 30 M CAD (soit plus de 14 milliards de FCFA), encore une fois avec la participation de Iamgold, et cela dans l’optique d’étendre les services d’adduction en eau potable parmi bien d’autres actions planifiées pour les communes de Gorom-Gorom et Falangoutou. Il en est de même du projet ECED-Mouhoun – Énergie et croissance économique durable dans la Boucle du Mouhoun où SEMAFO a œuvré aux côtés du Canada et d’autres partenaires locaux comme ABER et la SONABEL en vue du renforcement d’un environnement propice pour l’électrification et au développement économique qui y est associé. C’est le lieu pour moi de saluer ces efforts des entreprises minières canadiennes et de les encourager à continuer à faire preuve d’un comportement exemplaire au niveau de la transparence et de l’implication des communautés dans leurs pratiques quotidiennes. C’est ainsi qu’elles demeureront les meilleures ambassadrices de « la marque canadienne » et seront reconnues pour leur engagement dans les projets de développement local, pour leurs bonnes pratiques en matière de responsabilité sociale des entreprises et surtout pour leur éthique dans les affaires. En cohérence avec cette vision, nous avons dès le départ appuyé la création de l’Alliance burkinabè de fournisseurs de biens et services miniers (ABSM) aux côtés d’autres acteurs comme la Chambre des mines, la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso et Iamgold Essakane. Par ailleurs, notre soutien est demeuré constant à l’ABSM au fil des années. En outre, conscient de l’importance du secteur minier pour le Burkina Faso, le Canada s’est impliqué dans le renforcement de la gouvernance du secteur par les pouvoirs publics et sur l’amélioration des retombées socioéconomiques du secteur extractif pour les collectivités, en particulier les femmes et les jeunes. Cela s’est réalisé respectivement à travers le Projet d’amélioration de la surveillance de l’industrie extractive en Afrique francophone subsaharienne (PASIE) qui a surtout travaillé au Burkina Faso avec la Cour des Comptes, puis, le projet d’Appui à la gouvernance et la croissance économique durable en zone extractive, particulièrement pour les communautés dans les régions de la Boucle du Mouhoun et des HautsBassins.
Un dernier mot ?
En tant que partenaire de longue date et présent au Burkina Faso depuis 60 ans, le Canada s’engage à demeurer aux côtés du peuple burkinabè dans ses efforts pour la paix, la sécurité, la stabilité et le développement durable. Nous sommes déterminés à continuer à travailler pour renforcer nos relations commerciales, faire croitre le nombre d’investissements entre nos deux pays et assurer le développement de partenariats gagnant-gagnant dans un environnement d’affaires stable, sécuritaire, prévisible et fondé sur des règles. Par ailleurs, nous nous réjouissons que les entreprises minières canadiennes montrent l’exemple en matière de conduite responsable au Burkina Faso. Cela est vraiment un motif de satisfaction et de fierté pour moi.
Synthèse de Elie KABORE
#Mines_Actu_Burkina