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Relecture du Code minier : Les exonérations doivent être indexées sur des éléments économiques précis, Adrien Somda, expert en fiscalité des industries extractives

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Le Burkina Faso a entamé un processus de relecture du Code minier de 2015. Mines Actu Burkina a eu un entretien avec Adrien Somda, Juriste de formation, inspecteur des impôts, et expert dans le domaine de la fiscalité des industries extractives. Il est l’un des formateurs de la 12eme session de l’université d’été du Centre d’Excellence pour la Gouvernance des Industries Extractives en Afrique Francophone (CEGIEAF) et de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) à Yaoundé au Cameroun. Il appelle à des reformes approfondis et structurantes du Code afin qu’il soit conforme aux aspirations de développement des populations.

Mines Actu Burkina : La révision du Code minier est-elle opportune et nécessaire à l’étape actuelle ?

Adrien Somda : Oui, je crois que le contexte particulier du Burkina Faso qui traverse d’abord une crise sécuritaire depuis bientôt une dizaine d’année, et également la crise de la Covid est venue peut-être révéler une insuffisance du Code minier qui n’avait pas prévue d’abord la crise sanitaire et une crise sécuritaire qui dure dans le temps. Les mines sont implantées en dehors des zones habitées, avec des activités sur le long terme. Je pense qu’il est opportun que les problématiques que la crise soulève notamment l’accès à certaines zones est à prendre en compte. La jouissance paisible des droits miniers par les opérateurs miniers n’est pas effective dans ces zones. Le Code n’a pas suffisamment prévu de marche de manœuvre en cas de crise comme celle que nous traversons. De ce fait, la base juridique sur lesquels il faut se fonder pour résoudre un certain nombre de problème n’existe pas. Je fais allusion au renouvellement des permis, au paiement des droits liés à l’octroi des permis miniers, à l’arrêt des activités, etc. Certaines entreprises sont dans des situations où elles ont fini la recherche et devraient être au stade de l’exploitation mais elles n’arrivent pas à le faire à cause de l’insécurité. On a donc un faisceau de contraintes pourtant, les entreprises ont engagés d’énormes dépenses. Il faut donc aller dans la légalité, disposer d’instruments qui permet de gérer au mieux pour rester un pays attractif auprès des investisseurs. Ça peut être un signal positif pour autant que la réforme porte sur un certain nombre de solutions pour compléter les insuffisances révélées.

Quelles sont ses reformes à opérer pour une Code minier performant ?

La mise en œuvre de ce code à révéler des limites sur le plan de la gestion administrative. Au niveau du cadastre minier par exemple, cette réforme peut contribuer à apporter plus de transparence et de générer plus de revenus.

En ce qui concerne le Fond minier de Développement local (FMDL), les fonds de réhabilitation des sites miniers (industriels et artisanaux), leur mise en œuvre reste un défi pour les administrations sur le volet utilisation des ressources collectés. Je pense que ces fonds devraient être réaménagés en profondeur en ce sens que les mécanismes du FMDL permettaient de distribuer totalement les ressources collectées. Et nous avons vu les conséquences de  l’absence d’un fond pour les générations futures pour lequel on avait commencé à réfléchir. Il est important que des réflexions soient menées pour la mise en place de ce fond qui sera approvisionné par les ressources générées par l’activité minière. Si cet outil existait, l’effort de guerre aurait pu trouver des ressources. Il suffisait de placer le fond sur des  places financières qui rémunèrent le principal et on aurait pu récupérer les intérêts générés pour alimentés l’effort de guerre.

Si on gardait par exemple 0,01% des ressources du FMDL pour constituer une réserve qui serait placée sur des places financières, ces intérêts pourraient servir à aider à l’effort de guerre sans toucher au principal qui va être allouer aux communes pour les investissements structurants. Nous constatons que cette crise sécuritaire est entrain de détruire les investissements des communes et des collectivités. Il faudra donc reconstruire. J’espère que la relecture de ce fonds va aller loin en prévoyant la reconstruction des mairies, des écoles, des routes, ponts cassés. Ce ne sera pas la seule source de financement mais elle peut venir concourir à restaurer les choses.  Ce sont des éléments majeurs.

D’un point de vue technique, je pense qu’il est important d’être regardant sur l’engouement autour de l’extension des permis d’exploitation sollicitée par les sociétés minières opérant au Burkina. Nous avons aussi le régime des rejets, l’affaire charbon fin doit nous interpeller et nous dire qu’il y’a peut-être une insuffisance dans le dispositif. La réforme doit compléter cette insuffisance et peut permettre d’aller vers le fait que les rejets soient une opportunité pour les nationaux. Il est possible d’aller dans la dynamique de dire que les nationaux doivent s’investir davantage, voir exclusivement, dans le retraitement des rejets miniers. Cela va aboutir à l’interdiction de son exportation et éviter des scandales comme ceux qu’on a vus.

Quels types de reformes faut-il pour le fond de réhabilitation environnemental ?

N’étant pas un environnementaliste, il nous revient que le blocage réside dans la compétence des administrations pour gérer ce fond. Et lors de l’élaboration des rapports ITIE 2019-2020, nous avions proposé qu’il soit ouvert un compte à la BCEAO sous la responsabilité du Fonds d’intervention pour l’Environnement (FIE) pour virer les fonds qui sont des deniers publics, exonérés d’impôts. Bien avant, il faut des audits pour contrôler la gestion de l’argent.

Depuis la crise sécuritaire, l’Office National de Sécurisation des Sites Miniers (ONASSIM) éprouve des difficultés à sécuriser les mines. Faut-il le supprimer ?

Depuis que la crise est intervenue, l’ONASSIM n’est pas en mesure de sécuriser les mines. Alors pourquoi s’entêter à garder un organisme qui peine à remplir ses missions de sécurisations ? Je pense que l’expérience nous enseigne. A mon avis, la mission de sécurisation revient à un département ministériel. Il y’a peut-être un gaspillage de ressource et il faut donc recentrer, évaluer l’action de l’ONSSIM et avoir le courage et l’honnêtement de dire que ce n’est pas son rôle de sécurisé les sites miniers. L’approche de sécurisation doit être revue et qui dit sécurisation dit engagement de moyens financiers et logistiques pour le faire.

Sur le plan fiscal, quels sont les aspects à améliorer dans le Code minier ?

Je pense qu’il sera bien de faire une évaluation du dispositif fiscal, le prélèvement des impôts avant. Autre élément majeur, il faut ressortir les règles d’assiettes du périmètre de stabilisation fiscale.

Il y’a eu des avancées et il faut le souligner. Le régime fiscal actuel est robuste, excepté certaines exonérations.  Ces exonérations doivent être indexées sur des éléments économiques précis. Certains allègements fiscaux doivent être indexés sur le niveau d’investissement réalisé.

L’autre aspect, c’est le projet connexe à l’exploitation de la mine. Nous avons vu Tambao qui devait refaire le chemin de fer, aménager les villes que le transport de minerai traverse. Mais une mauvaise conclusion des contrats a été source de blocage entre autres. Cela dit, la révision intégrale du code doit aboutir à une convention minière type qui intègre tous ses investissements connexes que les sociétés minières doivent réalisées, et qui sont négociées en dehors de la principale.

Nous avons vu Perkoa qui est fini mais qu’est ce qui reste en termes d’investissement, presque rien.

L’environnement autour de Perkoa n’a pas évolué. La vie de Réo n’a pas non plus évoluée. Il n’y a même pas un hôtel 3 étoiles ou on oblige la mine à loger son personnel pour développer la localité, le siège de la mine n’a pas été construit à Réo.

Ce sont des éléments importants. Il est possible de relire le Code en y intégrant des notions contraignantes qui obligent les mines à investir pour développer les localités hôtes.

Interview réalisée par PB

#Mines_Actu_Burkina

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