La ville de Johannesburg abrite du 20 au 23 novembre 2023, la 19eme Conférence africaine sur le Journalisme d’investigation (#AIJC2023). Environ 140 intervenants ont présenté des communications au cours de 80 sessions.
Les principaux thèmes de 2023 ont concerné l’intelligence artificielle, la santé, le journalisme de données, la sécurité des journalistes, l’avenir et la durabilité du journalisme d’investigation, les enquêtes sur les crimes organisées, etc. Elie Kaboré, Directeur de Publication de Minesactu.info a présenté une communication sur « : Enquêter sur le secteur extractif en Afrique ».
Pour lui, le développement de l’humanité est en partie lié à la maitrise dans l’utilisation des ressources minérales. Les pays d’africains possèdent 30 % des réserves mondiales en pétrole, en gaz et en minéraux de transition mais sont cités parmi les plus pauvres du monde. Des pays dont plus de la moitié des exportations provient des ressources extractives avec une part importante dans les recettes de ces Etats. Il a invité les journalistes africains à s’intéresser au secteur extractif parce que les entreprises exploitent des ressources non renouvelables à l’échelle humaine, avec une durée de vie naturellement limitée. Une exploitation minière qui a un impact important sur les communautés riveraines et sur l’environnement et qui est largement tributaire des cours des métaux fluctuants, fixés de façon indépendante au niveau mondial.
« Le secteur extractif est celui de la haute corruption », a-t-il indiqué. Pour preuve, un rapport de l’OCDE affirme que 19% des cas de corruption dans le monde se passent dans le secteur extractif sous la forme de pots de vin versés à des agents publics. Global Financial Integrity (GFI) enfonce le clou en révélant que la fausse facturation commerciale entre les États fait perdre 288,267 milliards de dollars chaque année à l’Afrique. Le secteur extractif se trouve à une bonne place dans la fausse facturation commerciale entre Etat (Machines, combustibles minéraux).
Le secteur minier est aussi source de conflits. Cette thèse est confirmée par les Nations-Unies: « Les pays essentiellement tributaires de leurs ressources naturelles sont plus exposés au risque d’un conflit violent, en raison de la hausse du taux de chômage, des inégalités et du manque de services sociaux, notamment, l’éducation ». Les plus brutales et meurtrières guerre en Afrique indépendante ont un lien avec les ressources extractives. Au Sahel, l’exploitation des ressources naturelles (l’or) alimente le terrorisme. Mais comment les journalistes peuvent-ils investiguer dans ce secteur ? S’est-il interrogé ? Pour lui, un pays comme le Nigeria a perdu 16 milliards de dollars de 1979 à 1983, soit 20 % de ses revenus pétroliers, essentiellement du fait de la fraude, de la surfacturation des contrats et du vol de brut.
« L’investigation concerne toutes les étapes de la chaîne des valeurs d’un projet extractif, c’est-à-dire la phase de recherche/exploration, de construction, de l’exploitation et celle de de la fermeture et la réhabilitation », a-t-il ajouté. L’investigation peut porter entres autres sur la transparence dans l’accès aux contrats miniers (corruption; conflit d’intérêt dans la négociation des contrats), le respect des droits des communautés (indemnisation juste), le respect du cahier de charges par les entreprises, le rôle de l’Etat dans le suivi-contrôle des entreprisses extractives, le respect des droits du travailleurs, la dégradation de l’environnement, le régime fiscal (exonération fantaisistes), la fraude, l’évasion fiscale, la fausse facturation, le non-paiement de revenus), la mauvaise collecte, gestion et partage des revenus, la fausse déclaration de la production, la création de valeur ajoutée (transformation), l’accès des nationaux aux emplois et aux achats de biens et services, les questions de la corruption des dirigeants et des agents, la non-alimentation du fonds de la réhabilitation et la non-réhabilitation des sites après exploitation, le blanchiment des capitaux, la session ou transfert de permis, etc.
Où trouver les informations sur le secteur extractif ? Dans les textes aux niveaux régional et sous-régional :Vision minière africaine, le processus de Kimberley, CEDEAO, CAMAC, etc. Au niveau national : Codes (minier, pétrolier, gazière, environnement, impôt, douane, etc.). Les textes d’application de ces différents codes, au niveau national, les rapports ITIE des pays qui adhèrent à ce processus, les publications périodiquement des entreprises extractives, des publications sur des sites spécialisés comme www.sedar.com, les rapports des structures internationales, African Tax Administration Forum, Tax Justice Network Africa, Global Financial Integrity, Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE, NRGI, PCQVP, OXFAM, etc. les publications des structures publiques nationales, les publications des médias, etc.
Elie Kaboré a reconnu que les journalistes ont des difficultés d’accès à des informations. Les informations disponibles sont souvent très techniques et difficiles à comprendre. « Tout le monde ne comprend pas le langage fiscale, juridique, environnemental. Tout le monde ne peut pas lire et comprendre une étude de faisabilité, une étude d’impact environnementale et sociale, un contrat minier, etc.». Il a noté que le secteur minier est un milieu fermé où les entreprises et l’administrations publiques communiquent peu. Comme conseil, il a recommandé aux journalistes d’avoir recours aux spécialistes dans les ONG, la société civile, les syndicats. Il a fortement recommandé aux journalistes et aux médias de se spécialiser.
#Mines_Actu_Burkina
#AIJC2023