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Secteur extractif : Pourquoi les journalistes doivent investiguer dans ce milieu ?

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Le mardi 14 mai 2024, le réseau des journalistes d’investigation (GIJN : Global investigative journalist network) a organisé un webinaire dont l’objectif était de doter les journalistes d’investigation des connaissances et des outils nécessaires pour améliorer leurs reportages de surveillance sur le secteur minier africain. Au cours de ce webinaire, des spécialistes ont donné aux journalistes des argument et outils pour investiguer dans le secteur extractif.

L’Afrique regorge une grande quantité de richesses minérales mondiales. Selon le Natural resource governance institute (NRGI), elle abrite environ 30 % des ressources pétrolières, gazières et minérales mondiales. Cela inclut jusqu’à 92 % des réserves mondiales de platine et de chrome, 56 % du cobalt, 54 % du manganèse et 40 % de l’or. L’Afrique abrite également 9,5 % des réserves mondiales de pétrole brut et 8 % des réserves de gaz.

Pourquoi enquêter dans le secteur extractif ?

Selon Elie Kaboré, Directeur de publication du site en ligne Minesactu.info et membre du comité de pilotage de Publiez ce que ce vous payez, les journalistes doivent enquêter sur le secteur extractif car les pays africains possédant plus de richesses minières sont les plus pauvres. C’est l’exemple de la République démocratique du Congo (42e sur 53 pays), du Burkina Faso (47e /53) et du Niger (51e /53). Pour lui, si malgré leur immense richesse minière, ces pays sont parmi les plus pauvres, cela signifie qu’il y a un problème, d’où la nécessité pour les journalistes investiguer sur ce secteur.

En outre, il explique qu’il faut enquêter sur le secteur extractif car la grande majorité des ressources minières africaines sont exploitées par des multinationales qui viennent avec des montages financiers très complexes, incluant des cas de corruptions et de flux financiers illicites. Cela entraine donc des manques à gagner pour ces États. C’est ce qu’a également souligné Nafi Chinevy de l’ONG NRGI dans sa présentation. Pour lui, il y a nécessité d’enquêter sur le secteur extractif car entre 2010 et 2020, 278 milliards de dollars (168 885 milliards de FCFA) de flux financiers illicites viennent du secteur extractif de l’Afrique.

Par ailleurs, il est important pour les journalistes de mener des investigations sur le secteur extractif car d’après Elie Kaboré, la cause de nombreux conflits en Afrique est liée à l’exploitation des ressources minières. Il cite le cas du Nigéria (guerre du Biafra), du Burkina Faso (où l’exploitation artisanale de l’or participe au financement du terrorisme) et du Congo.

Il ressort aussi de ce webinaire qu’il faut enquêter sur le secteur extractif car ce milieu est en proie à la corruption : «l’OCDE estime que 19% des cas de corruption qui se passent dans le secteur extractif se manifestent sous la forme de pot de vin versé à des agents pour avoir des avantages (…) Global finacial integrity a estimé que l’Afrique a perdu presque 300 milliards de dollars en 10 ans (182 250 milliards de FCFA) à cause de la fausse facturation. C’est de l’argent que le continent perd et il faut investiguer», a déclaré Elie Kaboré. Nafi Chinevy de son côté renchérit en ces termes : «la corruption dans le secteur pétrolier, gazier et miner cause des dommages significatifs aux populations et à la planète ».

Enfin, il faut investiguer sur le secteur extractif car la plupart des mineraux extractives sont non renouvelables et ont un impact sur l’environnement et les communautés. Si ce domaine n’est pas bien surveillé, il peut y avoir des conséquences sur les populations. «La pollution (des sites miniers) a dévasté des communautés et l’environnement. C’est l’exemple dans le Delta du Niger», indique Nafi Chinevy.

Sur quoi enquêter ?

Les exposants ont expliqué que les journalistes peuvent enquêter sur toute la chaîne des valeurs des industrie extractives tels que la recherche, la construction, l’exploitation, la fermeture et la réhabilitation.

En phase de recherche, les exploitants miniers doivent avoir une autorisation et un cahier de charge à respecter. Les journalistes peuvent donc enquêter sur le respect de ce cahier de charge. Pour ce cas, Nafi Chinevy de l’ONG NRGI recommande aux journalistes d’enquêter sur les contrats pétroliers et miniers et les données publiées par les États en comparaison avec celles de NRGI.

En phase de construction, Elie KABORE affirme que les journalistes peuvent investiguer l’exactitude des avantages dont bénéficient les sociétés minières car tous les pays accordent des avantages à ces dernières.

En outre, les journalistes peuvent et doivent enquêter au moment de la phase d’exploitation car c’est à ce moment que l’activité génère des recettes pour l’État. C’est donc le moment où on peut retrouver tout ce qui est malversation et mal gouvernance autour de ce secteur.

Enfin, en phase de fermeture du site, les journalistes peuvent enquêter sur le fonds de réhabilitation en vérifiant si ce fonds est créé, si les sociétés minières alimentent ce fonds et si la réhabilitation est faite de manière efficace.

Pour conclure le webinaire, les exposants ont fait remarquer aux participants que pour investiguer sur le secteur extractif, les journalistes doivent renforcer leurs capacités car le sujet est très technique. Il leur est aussi suggéré de consulter des sources comme NRGI, l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), les publications de la coalition publiez ce que vous payez et de maitriser le code minier de leur pays.

Georges YOUL

#Mines_Actu_Burkina

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