
Docteur Hermann Ilboudo est Enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo. Depuis le 11 avril 2024, il a été nommé Directeur général du Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB). Mines Actu Burkina l’a rencontré. Il donne des informations sur le suivi de la coulée des lingots d’or dans les mines industrielles et les minéraux critiques découverts au Burkina Faso.
Mines Actu Burkina : Pourquoi créer une structure comme le BUMIGEB ?
Docteur Hermann Ilboudo : Au départ, administré sous la forme d’une Direction de la géologie et des mines (DGM) à Bobo-Dioulasso (1960 à 1968), puis transféré à Ouagadougou (1968), le Bureau voltaïque de la géologie et des mines (BUVOGMI), actuel Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB), a été créé en 1978, sous la forme d’un Etablissement public à caractère industriel et commercial par Décret n°78-165/PRES/MCDIM du 17 mai 1978. En 1993, il a été élevé au rang de Société à caractère stratégique par la Loi n°53/93/ADP du 20 décembre 1993. Il est transformé en Société d’Etat en 1993 et ses statuts particuliers adoptés respectivement par les Décrets n°97-339/PRES/PM/MCIA/MEM/MEF et n°97-340/PRES/PM/MCIA/MEM/MEF du 11 août 1997. Le BUMIGEB est le Service géologique national du Burkina Faso. Avec un peu plus de 45 ans d’existence, il est l’opérateur de l’Etat en matière de recherches géologiques et minières. Par ailleurs, il assure le contrôle de la sécurité dans les industries, les mines, les ménages et le transport des hydrocarbures. Placé sous la tutelle technique du ministère de l’Energie, des Mines et des Carrières, le BUMIGEB se présente comme le bras technique et opérationnel de l’Etat dans l’univers minier au Burkina Faso.
Nous collectons donc l’information géologique et minière, la traitons, la stockons dans une base de données et la diffusons auprès des investisseurs miniers, afin que le Burkina Faso soit le choix privilégié de ces derniers pour investir dans le secteur. Ainsi, le BUMIGEB dispose d’une base de données géo-minières régulièrement mise à jour, qu’il vulgarise auprès des potentiels investisseurs à travers un Géoportail. Il ne faut pas non plus oublier la contribution majeure du BUMIGEB à la formation et à la recherche géo-scientifiques.
Quel rôle a joué le BUMIGEB dans la mise en exergue du potentiel minier burkinabè depuis sa création ?
En tant que Service géologique national, le BUMIGEB a été, depuis les années 1960 (DGM à BUVOGMI, puis à BUMIGEB), le principal acteur dans la recherche et la valorisation du potentiel minéral du sous-sol burkinabè. Ainsi, la plupart des mines en activité aujourd’hui sont le résultat des travaux pionniers du BUMIGEB, à travers de vastes projets de prospection mis en route après l’indépendance du pays.
Quelles sont les principales ressources minières dont regorge le sous-sol burkinabè ?
A ce jour, nous pouvons affirmer la présence de plusieurs substances minérales dans le sous-sol du Burkina Faso.
Personne n’est sans savoir que notre sous-sol contient l’or, au regard du nombre de mines en exploitation et du développement de l’artisanat minier. Plus récemment, le pays a connu une exploitation de zinc.
Par contre, d’autres substances minérales dont des indices ont été mis en évidence attentent d’être mieux précisées. Parmi elles, on peut citer : le fer, le titane, le vanadium, le nickel, le cobalt, l’aluminium, le niobium-tantalium, l’étain, le lithium, les terres rares, etc.
A ces substances métallifères s’ajoutent les substances non métalliques communément appelées minéraux de développement comme les phosphates, les calcaires à ciment, les dolomies, les marbres, les granites, les gabbros, les grès, … qui sont exploitées pour la construction ou utilisées comme intrants dans la production d’autres produits semi-finis ou finis.

Quels sont les minéraux critiques découverts au Burkina ? Sont-ils exploités ?
Les travaux de prospection régionale ont permis de mettre en évidence des anomalies et indices miniers de ressources aujourd’hui prisées sur le marché international. Ces substances du point de vue de la demande très importante et du fait que l’offre soit limitée sont considérées comme des substances critiques. On note parmi tant d’autres, des indices de lithium, de niobium/tantalium, de terres rares, d’uranium, …
A quoi sert chaque minéral critique du Burkina Faso ?
Les minéraux critiques, de façon générale, interviennent dans le domaine de la haute technologie, ainsi que dans la transition énergétique, c’est-à-dire, les énergies vertes ou énergies renouvelables. Pour le moment, au Burkina Faso, nous ne sommes pas au stade aval de l’utilisation, mais plutôt au stade amont, dans la définition de cibles et la prospection. Nous espérons que les découvertes de gisements viendront rapidement dans les années à venir pour une exploitation au bonheur de notre chère Patrie.
Le BUMIGEB prélève des échantillons, lors des missions de suivi de la coulée des lingots d’or dans les mines industrielles. Quelle est leur destination ?
Le prélèvement des échantillons, lors des missions de suivi de la coulée des lingots d’or dans les mines industrielles est fait par le laboratoire du BUMIGEB à des fins d’analyse. Les résultats de la détermination des titres des lingots sont transmis à l’administration des mines. Ils servent à confirmer ou infirmer les résultats du titre des lingots obtenus par la mine et la raffinerie chargée de traiter ces lingots. Par ailleurs, les résultats des titres des lingots produits par le laboratoire du BUMIGEB permettent à l’État de se prononcer sur la liquidation des factures liées à la pesée et aux colisages des lingots d’or produits industriellement au Burkina Faso.
Le Burkina Faso s’est doté d’un nouveau Code minier le 18 juillet 2024. Quelles sont les grandes innovations pour ce qui concerne les attributions du BUMIGEB ?
La loi n° 016–2024/ALT du 18 juillet 2024 portant Code minier du Burkina Faso comporte des innovations majeures dont le principal but demeure non seulement de donner une place importante aux investisseurs nationaux, mais aussi de permettre à l’Etat de s’approprier davantage son secteur minier et de maximiser les recettes au profit du développement socioéconomique durable du Burkina Faso et des générations à venir. Pour ce qui concerne le BUMIGEB, d’abord, l’innovation majeure se trouve dans sa consécration légale.
Pour ce qui concerne le BUMIGEB, d’abord, l’innovation majeure se trouve dans sa consécration légale. Même si ses attributions étaient définies dans les actes règlementaires, il n’était pas fait expressément cas de cette structure très stratégique dans les lois relatives aux mines antérieures, notamment, celles de 2003 et 2015. De ce fait, le BUMIGEB voit son statut renforcé, car la mention d’une structure dans un texte à caractère législatif le positionne dans le second niveau de la hiérarchie des structures administratives, juste après celles consacrées dans la Constitution. Mieux, elle n’est pas liée aux vicissitudes décrétales de remise en cause.
Ensuite, le nouveau Code minier de 2024 vient renforcer la position stratégique du BUMIGEB en tant que Service géologique national ayant en charge les zones promotionnelles déterminées par les différents textes et considérées comme superficies réservées à l’Etat pour la recherche, dans le but d’approfondir la connaissance géologique et minière de base ou à des fins scientifiques.
En outre, la nouvelle loi attribue au Service géologique national, les compétences pour les analyses des échantillons, les essais métallurgiques et leur conservation. Le BUMIGEB se présente donc comme la structure nationale de référence pour l’analyse des teneurs et de la qualité des échantillons. En effet, conformément à l’article 45 du Code minier de 2024 «les analyses d’échantillons et les essais métallurgiques s’effectuent au Burkina Faso. Toutefois, le titulaire d’un titre minier peut, après autorisation écrite de l’administration des mines, effectuer des analyses d’échantillons et des essais métallurgiques en dehors du Burkina Faso.
Les conditions d’exportation de ces échantillons sont précisées par voie règlementaire ».
Ainsi, ayant la primeur dans le domaine, l’autorisation accordée par l’administration des mines à un titulaire de titre minier d’« effectuer des analyses d’échantillons et des essais métallurgiques en dehors du Burkina Faso » doit se faire normalement après avis conforme du BUMIGEB. Cela est d’autant plus vrai qu’en application de l’alinéa 4 du même article 45 «les titulaires de titres miniers sont tenus de déposer au laboratoire du Service géologique national, qui est le BUMIGEB, des échantillons provenant des recherches géologiques et minières, ainsi que des échantillons de produits miniers destinés à l’exportation ».
De plus, sauf cas de contestation pour échoir à un laboratoire tiers, seul le BUMIGEB reçoit la compétence pour déterminer la teneur et la qualité de référence. Ainsi, aucune structure ne peut lui équivaloir dans son domaine.
Quelles sont les perspectives pour le BUMIGEB ?
Le BUMIGEB a mis en place de vastes programmes de couverture de toute l’étendue du territoire en prospection régionale, dans le but de déterminer tout le potentiel minier du pays. Il envisage également des programmes de prospections détaillées sur des cibles bien définies et d’intérêt national pour confirmer ces anomalies et indices miniers. Enfin, il entend mettre en exergue le développement des gîtes prometteurs.
Le BUMIGEB travaille à de meilleures visibilité et accessibilité des données géo-minières pour renforcer l’attractivité du pays aux investisseurs miniers.
Aussi, le renforcement de la recherche scientifique géologique et minière, en collaboration avec les universitaires, service du développement de la Nation burkinabè, sera un leitmotiv de notre structure.
Je profite de l’occasion pour rassurer les acteurs (investisseurs et partenaires) du secteur minier, que l’histoire belle du BUMIGEB, racontée avec fierté, basée sur le travail acharné des devanciers dont les fruits profitent directement ou indirectement à tous aujourd’hui, continuera de s’écrire parce que des projets ambitieux sont en cours pour la découverte de substances minérales d’intérêt mondial.
Interview réalisée par Elie KABORE
#Mines_Actu_Burkina







