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Burkina Faso : La SONASP a acheté 13 tonnes d’or entre janvier et aout 2024

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Le Capitaine Sougrinoma Basile Zongo a été nommé Directeur Général de la Société Nationale des Substances Précieuses est une société (SONASP) en Septembre 2023

Le Capitaine Sougrinoma Basile Zongo, Officier de l’armée de Terre, a été nommé Directeur général de la Société nationale des substances précieuses (SONASP), en septembre 2023. Il est titulaire d’un Master 2 en gestion et management des projets. Mines Actu Burkina l’a rencontré. Il justifie la création de la SONASP, ses acquis depuis sa création, présente le projet de transformation des résidus miniers et de la construction de la raffinerie.

Mines Actu Burkina : Qu’est-ce qui a conduit le gouvernement à créer la SONASP ?

Capitaine Sougrinoma Basile Zongo : La SONASP a été créée par le Décret n°2023-1417/PRES-TRANS/PM/ MDICAPME/ MEFP/ MEMC du 24 octobre 2023 et ses statuts approuvés par le Décret N°2023-1418/PRES-TRANS/PM/ MDICAPME/MEFP/MEMC du 24 octobre 2023. Elle est une Société d’Etat issue de la transformation de l’Agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées (ANEEMAS), qui était un Etablissement de l’Etat à caractère économique.

L’Etat burkinabè ambitionne de transformer structurellement son secteur minier, afin d’accroitre les retombées socioéconomiques et d’être en phase avec les enjeux de l’heure. En effet, depuis la libéralisation du secteur minier intervenue à la faveur des réformes économiques de 1990, l’État s’est désengagé des secteurs dits concurrentiels, dont le secteur minier. Cette politique de désengagement et de libéralisation tous azimuts dans un contexte où l’Etat n’était pas suffisamment préparé a eu comme effet, la prolifération sans précédent de comptoirs privés d’achat et de vente d’or avec comme corollaire, une fraude massive dans la commercialisation de l’or.

La création de la SONASP vise à mettre l’Etat au centre des activités d’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) par l’exploitation, la transformation des produits miniers et l’assainissement du circuit de la commercialisation. Cette nouvelle orientation permettra à l’Etat d’avoir un meilleur contrôle du circuit de la commercialisation de l’or produit artisanalement et partant, améliorer les retombées du sous-secteur de l’artisanat minier dans l’économie nationale et lutter contre les flux financiers illicites.


Le mercredi 10 juin 2024, le Secrétaire Général du Ministère de l’Energie, des Mines et des Carrières, Doulaye Sanou (en chemise bleu) a procédé à l’installation du capitaine Sougrinoma Basile Zongo, Directeur général de la SONASP au poste de Président du Conseil d’Administration de la Société minière GOLDEN HAND SA pour un premier mandat de trois ans

Une partie de la production artisanale de l’or fait l’objet de fraude à la commercialisation. Avez-vous une idée sur les quantités fraudées ?

La production d’or des exploitations minières artisanales est importante, mais leurs valeurs exactes restent encore difficiles à maitriser. Elle est estimée à 9,5 tonnes d’or par an, selon l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD). Cependant, une étude réalisée par l’OCDE, à partir de la mesure des émissions de mercure dans l’atmosphère utilisées par les artisans, révèle que cette production se situerait autour de 20 à 25 tonnes d’or par an.

Le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur la gestion des titres miniers et la responsabilité sociétale des entreprises minières révèle que 15 à 30 tonnes d’or font l’objet de fraude par an.

Nonobstant l’importance de la production artisanale annuelle d’or estimée, la production annuelle déclarée de 2015 à 2023 n’a jamais atteint 500 kilogrammes.

Pouvez-vous nous décrire le circuit de la fraude ?  

Le circuit de la fraude de l’or est divers et assez complexe. Il faut cependant noter que le circuit informel du commerce de l’or s’identifie à celui des transactions informelles de l’or. En effet, l’or est un moyen d’échange reconnu et accepté, notamment, chez les commerçants, qui permet de diminuer ou d’éviter les droits de douane perçus à l’importation de marchandises. L’or sert aussi comme monnaie d’échange permettant aux agents économiques de se passer des circuits officiels bancaires et de change.

Ainsi, un commerçant qui désire acquérir des marchandises en grandes quantités dans un autre pays, peut se servir de l’or comme un moyen de paiement. En étant transporté en contrebande, l’or échappe à toute imposition. En le vendant dans un pays frontalier ou à Dubaï, le commerçant réussit à localiser des devises à l’étranger, lesquelles lui permettront d’acquérir puis d’importer des marchandises en les déclarant à des prix moindres ou en les faisant passer en contrebande.

Comment la SONASP compte-t-elle lutter efficacement contre cette fraude de l’or ?

Avec l’adoption de la loi n°016-2024/ALT du 18 juillet 2024 portant Code minier du Burkina Faso, le législateur a créé les conditions favorables pour lutter efficacement contre la fraude en matière de commercialisation de l’or. En effet, la SONASP fait désormais office de guichet unique pour les exportations d’or de production artisanale et semi-mécanisée. Cela permet de canaliser les quantités d’or issues de ces productions.

Par ailleurs, la SONASP a mis en place des mécanismes de facilitation des procédures d’achat et d’exportation d’or au profit des acteurs de la chaine de commercialisation. Ces mécanismes ont permis de développer un climat de confiance entre les acteurs.

En outre, la SONASP, en tant que comptoir public, propose des prix d’achat incitatifs en vue de booster les quantités déclarées.

L’ensemble de ces mesures a permis d’engranger des résultats forts appréciables. La SONASP va consolider ces mesures et développer d’autres initiatives, afin de réduire la dépendance des acteurs des circuits informels. En effet, le recours des acteurs aux circuits informels pour financer les opérations d’achat d’or les prédispose à la fraude.

Depuis sa mise en place, quels sont les acquis de la SONASP ?

Lesacquis de la SONASP peuvent être appréhendés suivant trois axes d’intervention dont le premier concerne la commercialisation. Au 31 août 2024, la quantité d’or achetée s’établit à 8,149 tonnes pour la production industrielle et 4,9 tonnes pour la production artisanale et semi-mécanisée. Il convient de relever que notre pays n’a jamais enregistré une telle quantité d’or provenant des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées. (NDLR : Soient 13,049 tonnes). Si cette tendance se maintient, ces quantités pourraient atteindre au moins 6,5 tonnes au 31 décembre 2024.

Le 2e axe concerne l’exploitation. Le Conseil des ministres du 07 juin 2023 avait retenu 7 sites au profit de la SONASP, en vue de développer des unités de production semi-mécanisée. A ce jour, un modèle type de protocole de gestion et un cahier de charges fixant les conditions de gestion desdits sites ont été élaborés. L’ensemble de ces sites a fait l’objet de reconnaissance et les évaluations environnementales sont en cours.

Le dernier axe est le traitement et la transformation des produits miniers. La SONASP a pris des participations dans la raffinerie MARENA Gold Burkina. Le lancement des travaux de construction de la raffinerie a eu lieu le 23 novembre 2023.  La SONASP a également pris des participations dans la Société Golden Hand SA dont le lancement de l’usine de traitement a eu lieu le 26 décembre 2023.

Parlez-nous justement de la place d’une raffinerie d’or

Le Burkina Faso fait partie des 3 grands pays producteurs d’or en Afrique de l’Ouest, derrière le Ghana et le Mali. Depuis 2009, l’or est le premier produit d’exportation. Cependant, malgré ce rang et contrairement aux autres pays miniers, le Burkina Faso ne dispose pas d’une chaine complète de l’industrie minière. En effet, il ne dispose pas jusqu’à présent d’une unité de raffinerie d’or. Toutes les opérations d’affinage sont réalisées hors du territoire national.

Conscient de cela, le gouvernement, en partenariat avec le secteur privé, a développé un projet de raffinerie et a lancé le démarrage des travaux de construction le 23 novembre 2023.

D’un coût global de 7 milliards FCFA (la valeur du terrain non comprise), le financement est assuré par l’Etat et son partenaire MARENA GOLD BURKINA. La capacité d’affinage sera de 149 tonnes par an, pour un titre de 99,99%. La raffinerie sera approvisionnée par trois principales sources : l’or de production artisanale et semi-mécanisée au plan national ; l’or de production industrielle (grandes et petites mines) ; l’or importé de la sous-région ou d’autres régions du monde.

Il convient cependant de relever qu’au regard du retard observé dans l’exécution des travaux, le gouvernement a pris l’initiative de réévaluer ses engagements avec son partenaire MARENA GOLD BURKINA, en vue d’accélérer la réalisation du projet.

Qu’en est-il du projet de transformation des résidus miniers ?

Nonobstant le développement de l’industrie extractive au Burkina Faso, l’on relève toujours des maillons essentiels manquants dans la chaine des valeurs. En effet, pendant que les sociétés minières au Burkina Faso génèrent plusieurs tonnes de résidus, il n’y a aucune entreprise spécialisée dans l’extraction de métaux précieux à partir des résidus miniers sur le territoire national. Ces résidus sont exportés hors de notre pays pour traitement, avec ce que cela peut comporter en termes de manque à gagner pour l’Etat. Il vous souviendra sans doute, “l’affaire dite de « charbon fin » qui a défrayé la chronique depuis quelques années.

Et comme vous le savez bien, notre pays s’est engagé dans la voie de l’affirmation de sa souveraineté dans tous les domaines, y compris celui du secteur minier. Aussi, est-il apparu nécessaire de trouver une solution au niveau national pour récupérer les métaux qui se trouvent dans les résidus miniers de type charbon fin, scories, cendres et concentré acidique.

C’est alors que l’Etat, en partenariat avec le secteur privé national, a développé le projet de traitement des résidus miniers porté par la société GOLDEN HAND SA.

D’une capacité de traitement d’environ 1 000 tonnes de résidus/an, ce projet ambitionne d’apporter des solutions novatrices de traitement de résidus miniers de types charbon fin, scories, cendres contenant des métaux précieux.

Elle est approvisionnée à partir des résidus des sociétés minières industrielles. Elle a également vocation à importer des résidus des sociétés minières étrangères pour traitement.

Le gouvernement constitue des réserves d’or. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Laconstitution de la réserve d’or s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action pour la stabilisation et le développement (PA-SD) adopté par le gouvernement en 2022. Il est l’instrument d’opérationnalisation de la politique nationale de développement durant la période de la Transition. Il prévoit des activités majeures dans le secteur minier qui visent à développer un secteur industriel et artisanal compétitif, à forte valeur ajoutée et créateur d’emplois décents ».

Le gouvernement s’atèle à la définition d’un cadre juridique et institutionnel approprié pour sa constitution et sa gestion.

L’approvisionnement de la réserve d’or peut provenir de plusieurs sources, dont l’or de production artisanale et semi-mécanisée au plan national ; l’or de production industrielle (grandes et petites mines) ; l’or importé de la sous-région ou d’autres régions du monde ; l’or affiné en provenance de raffineries nationales ; l’or produit dans les unités de traitement des résidus miniers et l’or confisqué au profit de l’Etat.

Pour terminer, je dirai que la maîtrise des quantités d’or issues de l’Exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) constitue un défi majeur pour notre pays. Pour relever ce défi, il est plus que nécessaire d’articuler une vision claire et de développer une synergie d’actions entre les acteurs. Les quantités d’or collectées à ce jour par la SONASP démontrent à souhait que le potentiel est réel mais qu’il convient de travailler à alléger les contraintes de la chaine formelle de commercialisation de l’or, afin de créer les conditions d’un commerce responsable de l’or.

Interview réalisée par Elie KABORE

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