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L’or en tête avec 84% des exportations du Burkina Faso : Une fragilité et un risque pour l’économie

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En 2024, les exportations totales de biens du Burkina Faso sont ressorties à 3 356,5 milliards de F CFA. On note une hausse de 26,4% par rapport à 2023 où elles étaient de 2 655,5 milliards FCFA. Cette hausse résulte principalement de la progression de 32,1% des ventes d’or brut. Elles passent en effet de 2103,3 milliards FCFA en 2023 à 2815 milliards FCFA en 2024, explique le rapport de suivi de l’économie et du développement de décembre 2024 publié par la Direction générale de l’économie et de la planification (DGEP).

Une prédominance des produits miniers dans les exportations

La prédominance des produits miniers, constitués essentiellement de l’or, dans la structure des exportations du Burkina Faso se poursuit depuis 2009 où l’or a détrôné le coton comme premier produit d’exportation. En 2024, les produits miniers ont représenté 84% de la valeur totale des exportations. On note une hausse de 3,6 % par rapport à 2023 où les produits miniers ont représenté 80,4% des exportations, selon la DGEP.  

A côté des produits miniers, les produits transformés ne représentent que 4,6% des exportations en 2024 contre 11,4% pour les produits primaires. L’écart entre les produits miniers et les autres produits exportés est très grand. Quelles sont les implications de la prédominance des produits miniers dans les exportations ?

Implications de la prédominance des produits miniers dans les exportations

Pour Mahamady Ouédraogo, chercheur à FREE Afrik: « Le fait d’avoir des exportations basées sur l’or est un facteur de fragilité et un énorme risque pour le pays. Si le secteur de l’or rencontre une difficulté quelconque, le Burkina Faso perdra les 80% de nos recettes exportations ».

L’exploitation de l’or est dépendante de plusieurs facteurs qui peuvent être considérés comme des difficultés. « L’or est une ressource épuisable et non renouvelable. L’insécurité peut affecter le secteur et le pays peut faire face à des sanctions internationales qui peuvent entraver la vente de son or », explique Mahamady Ouédraogo.

En effet, l’insécurité affecte l’exploitation de l’or ces dernières années. En 3 ans, c’est à dire entre 2021 et 2024, la production d’or a baissé d’environ 13 tonnes et demi, passant de 66,858 tonnes en 2021 à 53,375 tonnes en 2024.

Toutefois, malgré cette baisse successive de la production, la hausse du prix de l’or ces dernières années a permis d’augmenter les recettes d’exportation et les recettes budgétaires. Qu’en sera-t-il si le cours de l’or venait à connaitre une baisse drastique ?

En plus de ces facteurs, l’or est largement tributaire des prix des métaux fixés de façon indépendante au niveau mondial. Le Burkina Faso bien que producteur d’or subi donc les fluctuations des prix sur les marchés mondiaux.

Pour Mahamady Ouédraogo, cette prédominance de l’or dans les exportations signifie que depuis l’avènement de l’or, le Burkina Faso n’a pas mis en place une véritable politique de diversification de ses exportations. L’or a pris la place du coton qui est entrain de reculer sans que nouvelles orientations ne soient tracées.

Une diversification de ses exportations

Le Burkina Faso doit aussi songer à la diversification ses produits à exporter. Le sous-sol du Burkina Faso regorge d’importantes ressources comme le zinc, le cuivre, le manganèse, le phosphate et les calcaires. D’autres ressources dont le diamant, le fer, le graphite, l’antimoine, la bauxite, le nickel, le marbre, le vanadium, etc. ont été répertoriés. Cependant, l’or reste le minerai le plus exploité au Burkina Faso avec une moindre mesure le zinc et le manganèse. Il y a donc une nécessite de créer les conditions pour exploiter ces ressources dans la dynamique de la diversification et de la valorisation de l’exploitation.

La logique de la diversification des importations peut concerner les secteurs de l’agriculture et de l’élevage. Sur le plan agricole, la culture des céréales (mil, riz, maïs, haricot) cohabite avec les cultures de rente dont le coton, le sésame, la noix de cajou (anacarde), l’arachide, l’amande de karité, etc. La diversification s’impose avec les difficultés que rencontre la culture et la commercialisation du coton.

Le maraîchage occupe une importante partie de la population. Malgré tout, le Burkina Faso subi les aléas de la pluviométrie, mettant en mal son autosuffisance alimentaire et ses exportations. Pour protéger le marché local, des usines de transformations de certains produits ont été construites et des mesures de suspension des exportations des certains produits sont souvent prises.  

Sur le plan de l’élevage, le Burkina Faso avait un avantage comparatif dans ce secteur que l’insécurité affecte très sérieusement actuellement. Mahamady Ouédraogo regrette qu’aucune politique de développement de ce secteur, notamment en termes d’élevage intensif, n’a été mis en place. L’insécurité entrainant un déplacement de la population, il estime que l’activité d’élevage peut se mettre en place aux lieux de résidence de ces populations déplacées.

La faible part des produits transformés dans les exportations du Burkina Faso indique que l’or, principal produit d’exportation, est exporté de manière brute et non raffinée. Pourtant, la transformation des produits avant leur exportation est source de valeur ajoutée. En effet, elle créée plus de taxes pour l’Etat, plus d’emplois et surtout de transfert de compétences vers les nationaux.

C’est conscient de cette réalité que le Burkina Faso s’est engagé dans une série de réformes pour la transformation locale de ses produits miniers.

Cap sur la transformation locale

La première réforme a consisté à la construction d’une raffinerie d’or, en partenariat avec le secteur privé, dont le lancement des travaux de construction est intervenu le 23 novembre 2023. D’un coût global de 7 milliards F CFA, la raffinerie a une capacité d’affinage de 149 tonnes par an pour un raffinage à 99,99%. Elle sera approvisionnée par trois principales sources dont l’or de production artisanal et semi mécanisée au plan national,  l’or de production industrielle (grandes et petites mines), l’or importé de la sous-région ou d’autres régions du monde.

La seconde réforme a concerné le cadre légal. L’article 70 du code minier adopté le 18 juillet 2024 fait l’obligation à tout titulaire de permis d’exploitation industrielle de grande ou de petite mine de transformer ou de valoriser une partie de sa production sur le territoire national. Si les modalités et les taux par nature de substances seront fixés par voie réglementaire, les discussions pour son opérationnalisation prévoient qu’au moins 50% de la production industrielle soit transformée ou valorisée sur le territoire national. Pour faciliter l’implantation des raffineries, l’article 263 du même code indique que l’activité d’affinage de l’or est soumise à l’obtention préalable d’un agrément dont les conditions d’octroi, de renouvellement et de retrait sont fixées par voie règlementaire.

La mise en œuvre des réformes en cours et la diversification des produits à exporter doivent permettre à termes d’éviter que l’or reste le principal produit d’exportation au regard des risques.

Pierre Balma

#Mines_Actu_Burkina

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