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Emplois dans les mines : La loi n’oblige pas à un recours au contenu local à 100 %

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Maître Sangaré Daouda, Avocat au barreau du Burkina Faso et de Guinée

De plus en plus, des personnes résidentes à côté des sites miniers industriels revendiquent le recrutement exclusif des ressortissants des localités voisines des sites pour tous les emplois. Ces revendications sont parfois violentes avec des blocages des activités. Maître Sangaré Daouda, Avocat au barreau du Burkina Faso et de Guinée donne son avis.

Maître Sangaré Daouda : C’est une problématique de plus en plus fréquente autour des sites miniers : des communautés riveraines qui bloquent les activités pour exiger que tous les emplois reviennent exclusivement aux ressortissants locaux. Honnêtement, on ne peut pas balayer ces revendications d’un revers de la main. Elles traduisent un sentiment réel : celui d’être dépossédé de leurs terres, sans retombées visibles pour les populations qui vivent juste à côté du site.

Mais en même temps, il faut être clair : le droit burkinabè interdit toute forme de discrimination à l’embauche, y compris fondée sur l’origine géographique. Le Code du travail, tout comme la Constitution, protège l’égalité d’accès à l’emploi. Exiger un recrutement 100 % local, c’est illégal — et cela peut poser des problèmes réels de gestion des ressources humaines si on ne trouve pas localement toutes les compétences nécessaires.

Cela étant dit, le Code minier burkinabè, révisé récemment, encourage fortement, depuis ses précédentes itération, l’emploi local, et s’est renforcé aujourd’hui par la nouvelle loi sur le contenu local adoptée en 2024. Cette loi impose aux sociétés minières d’élaborer un plan de contenu local, avec des objectifs précis en matière de formation, d’emploi et de sous-traitance locale. Il y a donc une base légale claire pour structurer un effort d’intégration locale, sans tomber dans l’illégalité ou le favoritisme.

La bonne approche, à mon avis, c’est de ne pas opposer droit et attentes sociales. Il faut bâtir un vrai partenariat entre la mine et les communautés :

En investissant dans la formation des jeunes des localités riveraines pour les préparer aux emplois disponibles,

En mettant en place un dialogue social permanent, pour expliquer les limites juridiques, mais aussi les efforts réalisés,

Et en travaillant avec les autorités locales pour identifier des profils à accompagner, sans compromettre les exigences techniques du projet.

De nombreuses sociétés minières ont d’ailleurs depuis plusieurs années cette approche et cela est perceptible au niveau du personnel. Cependant il arrive que cela ne satisfasse pas les riverains. Quoiqu il en soit, cette stratégie compense l’impossibilité d’absorber toute la demande locale en terme d’ emploi par un recours à des fournisseurs de biens et services locaux pour les besoins de base (aliments, jardinage etc.)

Donc pour résumer : non, on ne peut pas faire un recrutement exclusif local sans enfreindre la loi. Mais oui, on a l’obligation — légale, sociale et stratégique — d’intégrer les populations locales dans le projet, à travers un contenu local bien pensé, transparent et progressif. C’est à ce prix qu’on peut garantir la stabilité sociale autour des projets miniers.

Propos recueillis par Elie KABORE

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