Mme Rachel YE SAWADOGO est Experte Genre. Elle est la responsable chargée de l’organisation et de la formation de AFEMIB. Titulaire d’une maitrise en sociologie du Travail, d’un Master 2 en Gestion des ressources humaines et d’un Master 2 en Ingénierie et Conseil en formation, elle a travaillé pendant environ 20 ans dans le développement rural, la formation professionnelle et la promotion des PME/PMI au Burkina Faso. Son expérience dans le secteur minier, elle l’a acquise à IAMGOLD Essakane SA, où elle a occupé les postes de conseillère pédagogique, de coordonnatrice du Plan de développement de la Relève (PDR) et de Surintendante Adjointe Talents au niveau de la Direction des ressources humaines.
Dans votre parcours professionnel dans le secteur minier, quelle expérience vous a le plus marquée ?
Le plan de développement de la relève (PDR) qui est le programme qui a accompagné la nationalisation des postes de cadres a été une expérience enrichissante pour moi. Le développement du capital humain y est une réalité. Nous avons au départ des employés pressentis pour occuper des postes de management à accompagner à travers un processus bien connu. Mais le challenge est de convaincre les manageurs occupant les postes qu’il faut préparer un employé déjà dans l’équipe à prendre la relève. D’aucuns y voyaient une menace pour les postes d’expatriés. Les compétences à combler dans la plupart des cas ne sont pas techniques mais plutôt du ressort du management et de la gestion des équipes. Pour cela, un programme de développement du leadership mis en place a permis de les accompagner. Aujourd’hui, on note que beaucoup de postes managériaux sont occupés par des Burkinabès. C’était un vrai challenge qui a porté des fruits.
Quelles sont les compétences essentielles que les femmes et les jeunes doivent renforcer pour réussir dans les industries extractives ?
De façon générale, il faut d’abord acquérir les compétences techniques et professionnelles liés aux métiers et aux différents postes. Mais cela n’est pas suffisant car il faut développer son leadership, son estime de soi et sa confiance en soi. Il faut savoir que les métiers des mines évoluent très vite et sont très changeants. Pour cela il faut être dans une dynamique d’apprentissage permanent : « apprentissage tout le long de la vie ». Pour les jeunes, il faut savoir que les mines ont souvent besoin de personnes déjà compétentes. Il faut ainsi chercher les opportunités d’accroitre son employabilité à travers des stages, des bénévolats, la participation à des activités associatives et de réseautage professionnel. Pour les femmes, la problématique est plus importante. Elles sont confrontées aux poids des pesanteurs socio-culturelles, aux stéréotypes de genre du fait que le secteur soit fortement masculin. Actuellement, seulement 9% des postes sont occupés par des femmes. Néanmoins ces femmes ne font pas piètre figure et sont des combattantes malgré les hostilités du secteur. Pour y réussir, elles doivent gérer leur poste, leur époux, leurs enfants, leurs amis et pourvoir aux attentes de tous. La gestion de l’équilibre entre la vie familiale et celle professionnelle qui est un défi majeur pour la plupart des femmes professionnelles dans la mine doit être assurée pour faciliter le maintien au poste voire la promotion à des postes supérieurs. Les situations vécues par les femmes sont variables et doivent trouver des solutions au cas par cas. Il n’y a pas de solutions miracles, mais elles doivent savoir ce qu’elles veulent et se donner les moyens pour réussir. Elles ont souvent besoin de développer leurs compétences/capacités personnelles (estime de soi, confiance en soi, assurance, prise de parole en public, initiative, etc.) pour faire face aux hostilités du travail en mine.
Quelles sont les barrières invisibles qui freinent encore les femmes dans leur évolution professionnelle dans le secteur extractif ?
Au-delà de la rudesse du travail en mine qui exige souvent de la force physique, des horaires difficiles et un environnement de travail austère, avec des aléas qui peuvent nuire à la santé d’une femme et même de son enfant, certaines se disent confrontées à des harcèlements sexuels et autres violences de la part de certains hommes qui exploitent leur fragilité. Ces situations sont légions pendant les recrutements, pour le maintien au poste et pour les opportunités de promotion à l’interne. La maternité constitue une contrainte pour la femme surtout après l’accouchement où elle doit faire face aux contraintes de la garde de l’enfant et la reprise du travail. Aussi les contraintes de la gestion de la famille et de la maternité constituent une difficulté très importante pour les femmes.
Quelles actions concrètes les entreprises minières peuvent-elles mettre en place pour améliorer l’inclusion des femmes ?
Pour faciliter l’accès des femmes, il faut favoriser le stage des filles et femmes sans contrepartie officieuse. Les mines doivent dans les campagnes de recrutement de stagiaires informer qu’aucune compensation n’est attendue et il est de même pour le recrutement. Beaucoup de filles ne s’inscrivent pas pour les filières de mines à cause des préjugés sur le secteur. Il faut les encourager et leur donner des bourses d’études dans la filière de la Mine. Pour la maternité, il faut accorder suffisamment de temps à la femme pour l’allaitement. Certaines Mines et particulièrement IAMGOLD Essakane SA que je connais accorde un congé maternité de 16 mois, ce qui est à louer. Nous souhaitons que l’ensemble des mines suivent le pas. Dans les codes d’éthique et de déontologie des Mines, les harcèlements sexuels et les violences basées sur le Genre sont condamnées. La dénonciation est encouragée mais pour plusieurs raisons, les cas ne sont pas dénoncés et mêmes si c’est fait, des dispositions ne sont pas toujours prises pour punir les fautifs. Il faut porter une attention particulière à cette situation que vit certaines femmes sur les sites miniers. Je ne peux clôturer cet entretien sans remercier l’AFEMIB et Mine Actu Burkina qui me donne cette opportunité pour parler de l’intégration des femmes dans les mines. Nous espérons que nos actions d’accompagnement permettent aux femmes de mieux appréhender les réalités de ce secteur afin de tirer leur épingle du jeu car le secteur miner regorge d’un bassin d’emplois importants dans lequel les femmes doivent avoir leur place
Pierre Balma
#Mines_Actu_Burkina
Encadré
Sa contribution à l’élaboration de la Charte genre de la CEDEAO
D’août 2020 à avril 2023, Mme Rachel YE SAWADOGO a participé en tant que représentante de AFEMIB aux différentes rencontres ayant regroupé les associations de femmes du secteur géo extractif, les organisations de la société civile actives en Genre de l’espace CEDEAO et les représentants des structures nationales en charge des mines, gaz et pétrole de la CEDEAO pour l’élaboration et la validation de la charte Genre de la CEDEAO. L’adoption et la signature du document final sont intervenues à la 90e session ordinaire du conseil des ministres de la CEDEAO tenue les 6 et 7 juillet 2023 à Bissau. Dénommé Règlement /C/REG.14/07/23 Relatif à l’intégration du Genre dans le secteur Géo-extractif, il a pour objet d’offrir un cadre, permettant aux Etats membres d’engager des réformes législatives et/ réglementaires pour une prise en compte effective du genre dans le secteur géo-extractif et dans les politiques et programmes de développement afférant au secteur géo-extractif au niveau régional, national et local et de promouvoir la prise en compte des besoins de toutes les couches, catégories et groupes et le respect des droits des femmes et des jeunes pour un meilleur épanouissement, pour la construction de la paix des peuples et à la consolidation de la démocratie au sein des Etats membres. Elle a indiqué que : « Même si officiellement, le Burkina n’est plus membre de la CEDEAO, nous restons convaincues que la problématique est d’actualité et que nos autorités trouveront des cadres d’application des résolutions prises dans ce règlement ».