Annonciata THIOMBIANO est la première femme spécialiste en santé et sécurité au travail dans le secteur minier au Burkina Faso. Diplômée en géographie et continuellement formée sur les enjeux du développement, elle est actuellement responsable HSE chez CHAVIYAH MINING. Elle a occupé des postes similaires dans des entreprises telles que Boart Longyear, MAJOR Drilling et WBHO. Elle est la secrétaire générale de l’AFEMIB. Elle parle de son parcours de pionnière et de ce qui l’a motivée à choisir ce domaine ?
Parlez-nous de votre parcours et ce qui vous a motivée à choisir ce domaine ?
Effectivement, je suis la première femme au Burkina Faso à avoir occupé des fonctions de haut niveau en santé, sécurité au travail et environnement (SST-E) dans le secteur minier, un domaine historiquement réservé aux hommes. Mon parcours a été guidé par un goût affirmé du défi et une passion pour les environnements complexes. Dès l’école, je m’illustrais dans les devoirs réputés difficiles, et cela s’est prolongé dans ma vie professionnelle. L’un de mes premiers emplois a été obtenu suite à un test où j’étais la seule femme parmi 13 candidats. J’ai toujours voulu prouver que les femmes pouvaient non seulement occuper des postes techniques, mais y exceller. Le domaine de la santé et sécurité dans les mines m’a attirée par son exigence, son impact humain, et sa capacité à transformer profondément les conditions de travail.
Quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?
Être la première, c’est souvent être seule. J’ai dû affronter les stéréotypes, démontrer ma légitimité, et travailler deux fois plus pour être acceptée. Mais j’ai transformé ces défis en moteurs de progression. J’ai misé sur l’excellence, la rigueur, la discipline et le professionnalisme. Durant les sept années où j’étais la responsable SST-E de la compagnie de forage Boart Longyear, j’ai eu le trophée de la meilleure performance de la zone EMA (Europe-Moyen-Orient et Afrique). Le respect s’est construit sur la constance dans l’engagement et la qualité du travail.
Quel rôle joue la santé et la sécurité dans l’industrie minière ?
La santé et la sécurité sont la colonne vertébrale de toute exploitation minière durable. Sans elles, il n’y a ni productivité, ni stabilité, ni responsabilité. J’ai toujours travaillé à faire de la prévention une culture d’entreprise, pas seulement une obligation réglementaire. J’ai aussi intégré une approche genre dans les dispositifs HSE : penser aux besoins spécifiques des femmes (hygiène, ergonomie, accès aux équipements, examens spécifiques lors des visites médicales), c’est garantir leur dignité sur les sites. J’ai accompagné des compagnies minières dans la mise en place de politiques plus inclusives, et j’ai contribué à des audits et des certifications selon les normes ISO 9001, 14001 et 45001, avec une attention particulière à l’intégration du genre dans les pratiques quotidiennes
Comment l’AFEMIB a contribué dans votre parcours professionnel et dans votre combat pour l’inclusion des femmes dans le secteur minier ?
L’AFEMIB a été pour moi un catalyseur. En tant que Secrétaire générale, j’ai eu l’opportunité de mettre mon expérience au service d’une cause plus large : l’autonomisation des femmes dans toutes les chaînes de valeur du secteur minier. Grâce à l’AFEMIB, j’ai pu structurer des actions concrètes : accompagnement de coopératives féminines, appui à la formation en SST et environnement dans les zones artisanales, campagnes de sensibilisation sur la participation citoyenne des femmes à la gouvernance, projets d’alphabétisation, partenariats institutionnels, accompagnement à la formalisation et à l’identification citoyenne des femmes. L’association m’a permis d’articuler expertise technique et plaidoyer en faveur d’une gouvernance plus inclusive, sensible au genre, et ancrée dans les réalités locales, (cas particulier du plaidoyer pour qu’ « au moins 30% du Fonds Minier de Développement Local (FMDL) soit alloué aux projets portés par les femmes dans les zones minières ». Grâce à l’AFEMIB, j’ai pu vivre pleinement les réalités administratives et organisationnelles et les réalités terrain du secteur au plan national et même international.
Avez-vous des conseils à donner aux jeunes femmes qui souhaitent se lancer dans une carrière en santé et sécurité dans le secteur minier ?
Je leur dirais : osez sortir des sentiers battus. Ce métier demande du courage, de la rigueur, mais aussi beaucoup de cœur. Si vous êtes passionnée par l’humain, si vous aimez résoudre des problèmes, améliorer les conditions de vie et garantir la sécurité des autres, alors ce domaine est fait pour vous. Formez-vous, croyez-en vous, créez un réseau de soutien, et ne laissez personne vous faire croire que vous n’en êtes pas capable. Il n’y a pas de terrain réservé aux hommes — il n’y a que des territoires à conquérir par le talent, la volonté et la persévérance. Et surtout, ne doutez jamais que vous pouvez devenir une référence. Enfin, en tant que femme de terrain, je souhaite adresser un message aux autorités nationales, en particulier au Président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré. Je tiens à saluer la volonté politique affichée de soutenir le secteur minier, notamment par la mise en œuvre du contenu local pour que nos ressources profitent davantage aux communautés locales et aux femmes du secteur. Mon expérience sur le terrain, aux côtés des femmes qui travaillent dans les mines, m’a montré combien une telle démarche peut transformer des vies et redonner de l’espoir dans nos communautés. J’exprime également l’espoir sincère d’un retour rapide de la sécurité dans les zones rouges, afin que les activités minières actuellement suspendues puissent reprendre ainsi que celles de l’AFEMIB. Je reste convaincue qu’avec l’engagement de tous – autorités, forces de défense et de sécurité, populations – la paix reviendra dans ces régions. C’est avec respect, détermination et foi en l’avenir que je formule ce message, persuadée que notre secteur minier peut être un moteur de développement inclusif et un symbole de résilience pour le Burkina Faso.
E K
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