
Marieme Soda MBACKE est la Directrice Exécutive de CAJUST (Citoyens Actifs pour la Justice Sociale). Le CAJUST œuvre dans la promouvoir la justice sociale au Sénégal. Elle dévoile le rôle joué par le CAJUST dans l’opérationnalisation du Fonds d’appui au développement local (FADL).
Mines Actu Burkina: Depuis l’adoption du Code minier de 2016, le Fonds d’appui au développement local a connu un début d’opérationnalisation en 2025. Quel a été le rôle joué par le CAJUST ?
Marieme Soda MBACKE : CAJUST (Citoyens Actifs pour la Justice Sociale) est un réseau citoyen sénégalais de plus de 10 ans d’expérience qui vise à promouvoir la justice sociale. Notre mission consiste à renforcer les capacités et les pouvoirs d’influence des citoyens afin de promouvoir la justice sociale dans la gouvernance des ressources naturelles et du changement climatique. Conformément à notre objectif stratégique visant à favoriser la justice économique et fiscale, nous avons engagé une campagne citoyenne dénommée « Article 25 » en référence à l’Article 25 qui dispose que “les ressources naturelles appartiennent au Peuple. Notre campagne a pour objet de matérialiser cette disposition constitutionnelle en exigeant de l’Etat et des compagnies l’effectivité du partage des revenus. En effet, le code minier de 2016, en son Article 115, avait instauré le Fonds d’Appui au Développement Local (FADL) qui requiert aux compagnies minières en phase d’exploitation de verser 0,5% de leur chiffre d’affaires au profit du développement local. Cependant, le versement de ce fonds n’est toujours pas effectif. C’est pourquoi CAJUST, dans cette campagne, a mobilisé divers acteurs influents afin de joindre leurs voix aux revendications des communautés locales impactées par les opérations minières. Pour amener les compagnies minières à s’acquitter de leurs obligations légales, nous avons réalisé une panoplie d’activités dont des ateliers et rencontres de plaidoyer avec les autorités publiques, des sessions de dialogue politique, des foras communautaires, des émissions médiatiques (radio et TV), ainsi qu’une campagne digitale très dynamiques.
Avez-vous évalué le manque à gagner suite au non-paiement de ce fonds ?
Globalement, le non-paiement du Fonds d’Appui au Développement Local a entraîné un manque à gagner énorme pour les Collectivités territoriales. En effet, ce Fonds était destiné à contribuer au développement économique et social des collectivités locales situées dans les zones d’intervention des sociétés minières. S’il arrive qu’une Collectivité donnée intègre ce fonds dans son budget sans le recevoir, cela crée un écart assez important. Nous avons analysé les chiffres d’affaires de quelques compagnies minières. La simulation sur la base de 0,5% du chiffre d’affaires de 14 compagnies a montré qu’en 2019, le manque à gagner est estimé à plus de 5 milliards de FCFA. En 2020, 0,5% du chiffre d’affaires de 18 compagnies aurait donné aux collectivités environ 5 milliards et demi; alors qu’en 2021 le manque à gagner serait de plus de 7 milliards et demi. Il faut noter que cette tendance est en hausse vertigineuse, si on se réfère à la contribution croissante du secteur minier dans l’économie nationale.
Où en est-on avec le processus d’opérationnalisation du fonds ?
Le fonds n’est toujours pas effectif car les compagnies avaient rechigné à effectuer le versement requis. Suite à la pression des communautés et de la société civile, l’Etat du Sénégal a engagé une procédure de recouvrement. Plusieurs compagnies ont accepté de se conformer à la loi en signant un protocole d’accord avec l’Etat. Au début de l’année 2025, le Ministère chargé des mines a mis en place un Comité national de suivi du fonds. Ce Comité regroupe divers acteurs dont les représentants des institutions de l’Etat, des compagnies minières, de la société civile, des collectivités territoriales, etc. Il a pour objectif de veiller à la gestion efficace et transparente des ressources destinées aux communautés, notamment celles impactées par les opérations minières.
Quels sont les autres chantiers du CAJUST pour améliorer les recettes minières dans le budget du Sénégal ?
Compte tenu de toutes les difficultés rencontrées dans la gestion des revenus miniers, CAJUST a commis une étude dont l’objectif est de proposer des mécanismes plus souples et efficaces pour mobiliser les ressources endogènes. Cette étude va suggérer des mesures pratiques de gestion du FADL ainsi que les autres fonds instaurés par la loi. L’autre chantier phare de CAJUST est de plaider pour le relèvement du FADL à 1% à l’instar du Burkina Faso. Nous allons également inviter le Gouvernement à élargir le FADL au secteur pétrolier et gazier.
Interview réalisée par Elie KABORE







