Home Economie Pourquoi les mines du Burkina Faso préfèrent raffiner leur or en Suisse ?

Pourquoi les mines du Burkina Faso préfèrent raffiner leur or en Suisse ?

0
  • Elles préfèrent les raffineries suisses affiliées à la London Bullion Market Association (LBMA)
  • Rand Refinery, en Afrique du Sud est la seule raffinerie africaine à être membre de la LBMA
  • Des raffineries existent au Ghana, Mali, Rwanda, Zimbabwe
  • Le gouvernement de la transition veut créer une raffinerie au Burkina Faso

La transition dirigée par le Capitaine Ibrahim Traoré a exprimé sa volonté de mettre en place une raffinerie d’or au Burkina Faso. En effet, au sortir du conseil des ministres du 7 décembre 2022, le ministre des Mines, Simon Pierre Boussim a déclaré qu’il a reçu des instructions pour la mise en place d’une raffinerie au Burkina Faso afin de connaitre les volumes de production et les teneurs en or. Le président de la transition a confirmé cette information au cours de son interview diffusée sur la Radiodiffusion-télévision du Burkina, le vendredi 3 février 2023.

En rappel, le Burkina Faso a produit 62,74 tonnes d’or en 2020. Cette production a connu une grande hausse en 2021 pour se situer à 66,858 tonnes avant de chuter à 57,675 tonnes en 2022. Toute cette production est exportée vers 03 raffineries situées en Suisse dont Metalor, MKS PAMP / MMTC-PAMP et Argor-Heraeus selon SWISSAID dans un rapport publié au mois de mars 2023.

Pour le rapport ITIE 2020, outre la Suisse, des sociétés en exploitation au Burkina Faso ont exporté leur or vers l’Inde. D’autres sources évoquent la piste de Dubaï pour la vente de l’or des mines de Nordgold.

Pourtant, des raffineries sont présentes en Afrique de l’Ouest dont une au Ghana et 02 au Mali. Toutes appartiennent à des privées. D’autres raffineries se trouvent en Afrique du Sud, au Rwanda, Zimbabwe, En attendant la mise en place de la raffinerie burkinabè et la fixation d’un quota de la production des mines implantation pour cette raffinerie, on constate que malgré la présence de raffineries sur le continent, les mines industrielles préfèrent la Suisse.

La principale raison qui explique cette préférence est l’affiliation des raffineries suisses à la London Bullion Market Association (LBMA). Créée en 1987, LBMA est l’association qui regroupe les acteurs du commerce de l’or. Elle compte plus d’une centaine et demi de membres dont des raffineurs.

LBMA est en même temps un marché boursier des métaux précieux qui a établi des standards de qualité, des normes qui assurent la transparence et la confiance des partenaires. Pour être membre, la raffinerie doit remplir des critères dont le raffinage d’au moins 10 tonnes d’or par an.

Rand Refinery, raffinerie basée en Afrique du Sud est la seule raffinerie africaine à être membre de la LBMA.

Les sociétés minières cotées en bourses préfèrent raffiner leur production dans des raffineries membre de la LBMA pour bénéficier des normes et standards y référant. Mais pourquoi elles ne partent pas à Rand Refinery ?

SWISSAID a enquêté sur les raffineries qui reçoivent l’or de l’Afrique en général et du Burkina Faso en particulier sur la période 2015-2023. Cette fondation a collecté les informations entre janvier 2021 et février 2023 par une recherche documentaire qui a été complétée par une vérification auprès des sociétés minières concernées.

L’enquête a concerné plusieurs raffineries certifiées LBMA en dehors d’une raffinerie en Zimbabwe et quelques raffineries émiraties et chinoises.

Les plus importantes raffineries au monde

Metalor : Fondé en 1852, Metalor est un groupe international dont le siège est situé à Marin, dans le canton de Neuchâtel, en Suisse. Il appartient à Tanaka Precious Metals et compte 17 filiales dont cinq raffineries. Toutes certifiées par la LBMA, elles sont situées en Chine (Suzhou), aux Etats-Unis (North Attleborough), à Hong Kong (Kwai Chung), à Singapour et en Suisse (Marin). La raffinerie de Marin, qui traite l’or industriel en provenance d’Afrique, dispose d’une capacité annuelle de raffinage de 300 tonnes. Entre 2015 et 2023, Metalor a raffiné l’or de Essakane Iamgold, Taparko-Bouroum, Endeavour Mining (Wahgnion, Mana, Hounde, Boungou), Orezone Bomboré, Karma/Néré Mining, Yaramoko/Fortuna Silver Mines.

Rand Refinery : Fondée en 1920, elle est la seule raffinerie africaine à être membre de la LBMA. Elle est basée à Germiston, en Afrique du Sud, et active dans le raffinage, la fonte et la fabrication de produits à valeur ajoutée en métaux précieux. Rand Refinery traite la grande majorité (plus de 98%) de l’or industriel sud-africain. Outre l’Afrique du Sud, elle a confirmé avoir traité de l’or des pays africains au cours des cinq dernières années : Ghana (qui a une raffinerie), Tanzanie, RDC, Mali, Namibie, Gui[1]née, Zimbabwe, Botswana, Côte d’Ivoire, Kenya, Zambie, Niger et Swaziland.

MKS PAMP / MMTC-PAMP : Créée en 1979, MKS PAMP SA est basée à Genève, en Suisse. Elle fait partie du groupe MKS PAMP Group Limited, qui est constituée à Guernesey et dont le siège social se trouve à Londres, au Royaume-Uni. Le groupe est actif dans le domaine des métaux précieux et fournit des services de négoce, de raffinage, de stockage et de financement de mines. Il possède 5 marques, 13 bureaux à travers le monde et exploite 2 raffineries d’or, qui sont toutes 2 membres de la LBMA. Elle a raffiné l’or de Nordgold (Taparko, Bissa Gold), Avesoro et Sanbrado au cours des 5 dernières années.

Argor-Heraeus : Fondé en 1951, le groupe Argor-Heraeus est basé à Mendrisio, dans le canton du Tessin, en Suisse. Il appartient au groupe technologique allemand Heraeus et possède des filiales en Italie et en Allemagne. La raffinerie tessinoise d’Argor-Heraeus, qui est membre de la LBMA, a une capacité annuelle de raffinage de 1300–1400 tonnes d’or. Elle a raffiné l’or de Wahgnion /Endeavour Mining au moins jusqu’en 2020.

Valcambi : Fondée en 1961, Valcambi est une raffinerie membre de la LBMA basée à Balerna, dans le canton du Tessin, en Suisse. Elle possède une capacité annuelle de raffinage de 1200 tonnes d’or et emploie 168 personnes. Valcambi qui appartenait à plusieurs investisseurs, dont la compagnie minière américaine Newmont est détenue depuis 2015 par la société indienne Rajesh Export alors. Elle n’a jamais raffiné l’or provenant du Burkina Faso.

PX Precinox : Fondée en 1976, PX Precinox est une raffinerie membre de la LBMA basée à la Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel, en Suisse. Elle fait partie de PX Group, un groupe formé de 10 sociétés en Suisse et en Malaisie. La raffinerie chaux-de-fonnière a refusé de communiquer à SWISSAID sa capacité annuelle de raffinage. Elle n’a jamais raffiné l’or provenant du Burkina Faso.

Asahi Refining Canada est une raffinerie membre de la LBMA basée à Brampton, au Canada. Elle est active dans la fabrication de produits d’investissement, le raffinage et le négoce de métaux précieux. Elle n’a pas indiqué à SWISSAID sa capacité de raffinage mais a précisé être « l’une des grandes raffineries LBMA ».  La raffinerie appartenait au groupe Johnson Matthey jusqu’en 2015, date à laquelle elle a été rachetée par le groupe japonais Asahi Holdings. Ce dernier dispose de 2 autres raffineries certifiées LBMA, l’une aux Etats-Unis (Salt Lake City), l’autre au Japon (Bando). Elle n’a pas raffiné l’or provenant du Burkina Faso ces 5 dernières années.

The Perth Mint : Créée en 1899, The Perth Mint est une raffinerie membre de la LBMA basée à Perth, en Australie. Elle appartient au gouvernement d’Australie-Occidentale et dispose d’une capacité annuelle de raffinage de 800 tonnes d’or. Elle estime traiter chaque année près de 10% de l’or mondial. The Perth Mint est une des rares raffineries à fournir des informations sur sa production. Dans son rapport annuel 2022, elle indique avoir traité 549,9 tonnes de doré en or et argent. Elle n’a pas raffiné l’or provenant du Burkina Faso.

Italpreziosi : Créée en 1984, Italpreziosi est une raffinerie membre de la LBMA basée à Arezzo, en Italie. Elle est active dans la production, le raffinage et le négoce de métaux précieux. Elle dispose d’une capacité annuelle de raffinage de 60 tonnes. Elle n’a pas raffiné l’or provenant du Burkina Faso.

Nadir Metal Rafineri : Créée en 1967 sous le nom de Nadir Metal, cette raffinerie est membre de la LBMA basée à Istanbul, en Turquie. Elle dispose d’une capacité annuelle de raffinage de 125 tonnes d’or et emploie 163 employés. Elle n’a pas raffiné l’or provenant du Burkina Faso.

Fidelity Gold Refinery Fondée en 1966, Fidelity Gold Refinery (FGR) est une raffinerie basée à Harare, au Zimbabwe. Active dans le raffinage de l’or depuis 1987, elle dispose d’une capacité de raffinage annuelle de 50 tonnes d’or. Elle appartient à la Banque centrale du Zimbabwe (Reserve Bank of Zimbabwe, RBZ) et portait le nom de Fidelity Printers & Refiners jusqu’en 2021. FGR a perdu sa certification LBMA en 2008, après avoir produit moins de 10 tonnes d’or, le minimum annuel requis pour être certifié selon le standard de cette association. Elle a raffiné l’or provenant du Zimbabwe.

Raffineries aux Emirats arabes unis et en Chine : Les mines d’or industrielles du Zimbabwe exportent (via Fidelity Gold Refinery) leur or aux Emirats arabes unis. La mine de Hassaï, au Soudan, exploitée par Ariab Mining Company, à la raffinerie émiratie Kaloti, rebaptisée MTM&O. La Société des mines du Liptako (SML) du Niger a envoyé son or à LYS International FZE, une société basée à Dubaï. L’or de la mine de Gabgaba au Soudan est raffiné non seulement par des raffineries émiraties Al Masqual et Emirates Minting. Caracal Gold a exporté une partie de l’or de sa mine de Kilimapesa, située au Kenya, à Emirates Gold DMCC. L’or des mines de Nordgold au Burkina Faso aurait également pris le chemin de Dubaï à partir de 2022. L’or de la mine de Guelb Mohgrein, en Mauritanie, est exporté en Chine.

Relations d’affaires non identifiées

La mine de Kodiéran, au Mali, exploitée par Faboula Gold (anciennement Wassoul’or). Le rapport ITIE Mali 2018 indique que l’or de cette mine a été exporté aux Emirats arabes unis dans le passé.  Depuis 2022, l’or de cette mine serait livré à la société allemande Pearl Gold AG.

 La mine d’Abujar, en Côte d’Ivoire, exploitée par Tietto Minerals, dont la production commerciale a débuté en 2023.

La mine de Ndassima en Centrafrique. La société canadienne Axmin disposait du permis d’exploitation de cette mine avant d’en être dépossédée au profit de Midas Ressources. La mine serait aujourd’hui contrôlée par le groupe Wagner et l’or serait exporté vers la Russie, selon le média Jeune Afrique.

 La mine de Koka (Zara) en Erythrée, codétenue par le groupe chinois SFECO et la compagnie minière nationale érythréenne ENAMCO.

 La mine de Bisha, également en Erythrée, a produit beaucoup d’or entre 2011 et 2013 avant de se tourner majoritairement vers l’extraction de cuivre et de zinc.

 La mine de Sakaro, en Ethiopie, exploitée par MIDROC.

La mine de Manica, au Mozambique, exploitée par Mutapa Mining & Processing LDA (MMP) et détenue par Xtract Resources.245 La première barre d’or de cette mine a été coulée en 2022.

Certaines mines semi-industrielles ont également été répertoriées au Soudan. Il s’agit de la mine d’Abu Sari, exploitée par Delgo Mining248 et du Bloc 30, exploité par Alliance for Mining et Kush E&P.

Synthèse de Elie KABORE

Source : Rapport de la fondation SWISSAID (De l’ombre à la lumière : Les relations d’affaires entre les mines d’or industrielles en Afrique et les raffineries) publié le 30 mars 2023.

#Mines_Actu_Burkina

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here