Abdel Khalifa Diarra est le Président de la Chambre des Comptoirs d’or et de Métaux Précieux du Burkina Faso, une association regroupant les comptoirs de commercialisation d’or et des autres substances précieuses. Il justifie la création de cette association avant de donner son appréciation sur la contribution du secteur minier au développement du Burkina Faso.
Mines Actu Burkina : Présentez-vous à nos lecteurs
Abdel Khalifa Diarra : Je suis Abdel Khalifa Diarra, juriste-fiscaliste spécialisé en fiscalité et législation minière, Président de la Chambre des Comptoirs d’or et de Métaux Précieux du Burkina Faso. Je suis également promoteur d’un comptoir de commercialisation d’or et des autres substances précieuses que je dirige depuis bientôt cinq ans.
Quelle appréciation faites-vous de la contribution du secteur minier au développement du Burkina Faso ?
Le Burkina Faso a intégré le cercle des pays minier depuis 2012 avec en tête de fil l’extraction industrielle de l’or. En 2021, la production d’or est estimée à environ 66 tonnes avec une contribution au budget de l’Etat d’environ 430,8 milliards de francs CFA, selon le ministère des mines. L’or représente d’ailleurs 81,4% des exportations du Burkina Faso.
En plus de la contribution directe des entreprises minières, il y a également celles des prestataires et fournisseurs de différents biens et services aux acteurs du secteurs miniers qui est non négligeable qui sera normalement en nette augmentation avec les dispositions règlementaires sur le contenu local.

Mais qu’à cela ne tienne, la contribution du secteur minier au développement économique reste toujours en deçà de ce qu’elle devrait apporter. En effet, les statistiques ne prennent en compte que la contribution du secteur minier industrielle, alors que celui artisanal produit également une grande quantité d’or, mais qui, du fait de sa vente et de son exportation via des circuits illégaux, ne contribue pas convenablement au développement socioéconomique du Burkina Faso. On peut dire à un certain niveau, sans grand risque de se tromper, que l’artisanat minier au Burkina profite plus à un groupe d’artisans miniers qu’à l’Etat Burkinabé. Et c’est en cela que nous disons que la contribution du secteur minier au développement du Burkina Faso peut être considérablement améliorés si le gouvernement se penche plus sur le secteur de l’artisanat minier qui est d’ailleurs pourvoyeur d’emplois pour la jeunesse du Burkina Faso.
Pourquoi la création de la Chambre des comptoirs d’or et de métaux précieux du Burkina Faso ?
Le commerce de l’or au Burkina Faso est encadré par des textes législatifs et règlementaires qui organisent cette activité selon la chaine des valeurs suivante : artisan minier (propriétaire de trou ou gestionnaire de site minier communément appelé orpailleur), collecteur d’or et comptoir d’achat et de vente d’or. Cette chaine des valeurs prévoit que l’orpailleur vende sa production d’or au collecteur qui la revend après au comptoir.
Dans ce schéma, seul le comptoir qui est une société commerciale a le droit d’exporter l’or hors du Burkina Faso. En plus de cela, le comptoir est chargé de la perception des droits d’extraction de l’orpailleur qu’il reverse à l’Etat lors de l’exportation de l’or.
La réorganisation du commerce de l’or dans le monde est plus vécue par le comptoir que par les artisans miniers (rapatriement des fonds, traçabilité de l’or, etc.). Il était donc plus que nécessaire que les comptoirs se regroupent au sein d’une faitière afin de mieux organiser le secteur de la commercialisation de l’or.
La Chambre des Comptoirs d’Or et de Métaux Précieux du Burkina Faso est la première et unique association qui regroupe uniquement des comptoirs. Cela permet à ces derniers de mieux identifier les défis et difficultés du secteur et de proposer des solutions aux autorités dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant. La Chambre des Comptoirs d’Or et de Métaux Précieux du Burkina Faso participe également à la sensibilisation des différents acteurs sur les questions de patriotisme économiques, de fraude à la commercialisation, de lutte contre le terrorisme et le blanchiment de capitaux.
En somme, un secteur de la commercialisation de l’or professionnel sur tous les plans est l’un des objectifs de la Chambre des Comptoirs d’Or et de Métaux Précieux du Burkina Faso.
Combien de membres comptent la Chambre des Comptoirs d’Or et de Métaux précieux du Burkina Faso ?
Tous les comptoirs de commercialisation de l’or et des autres substances précieuses disposant d’un agrément à cet effet sont en principe membres de la Chambre des Comptoirs d’Or et de Métaux Précieux du Burkina Faso. Mais pour rendre active cette qualité de membre, le comptoir doit en faire la demande et après examen, il est autorisé à payer ses frais d’adhésion ainsi que ses cotisations. A ce jour, nous sommes à 47 membres ; certaines demandes d’activation de la qualité de membre sont en étude, car il est nécessaire de procéder à un certain nombre de vérifications et d’enquêtes minimales avant de valider une demande d’activation de la qualité de membre.
Quelles sont les difficultés et les mesures prises pour les surmonter ?
Les difficultés du secteur de la commercialisation de l’or sont internes et externes.
Les difficultés internes sont le faible taux de compréhension des promoteurs de comptoirs des enjeux du secteur de la commercialisation de l’or, la fraude à la commercialisation de l’or qui empêche les comptoirs légaux d’exercer et de dégager des marges bénéficiaires, la non maîtrise des prix d’achat de l’or dans les différents sites et au plan national. Ces difficultés internes nous ont emmené à initier le séminaire « West Africa Gold Trading » qui est séminaire sur la commercialisation de l’or prévu pour se tenir du 27 au 29 octobre 2022 à l’hôtel Lancaster à Ouaga 2000, ex Laïco.
Les difficultés externes sont le manque de financement des acteurs de la commercialisation de l’or par les banques au Burkina Faso et une réglementation du secteur qui comporte beaucoup d’insuffisances. En ce qui concerne la question de l’accès au financement, le séminaire West Africa Gold Trading permettra aux banques et institutions financières qui vont y participer, de comprendre le cycle de commercialisation de l’or afin de pouvoir proposer des produits adaptés aux acteurs de ce secteurs qui est un vrai moteur de développement économique et social du Burkina Faso.
Pour ce qui est des insuffisances au niveau réglementaire, certaines réformes sont en cours et nous avons été invités à présenter nos amendements et observations sur les projets de reformes, choses que nous sommes entrains de faire. Nous espérons qu’au sortir de ces premières reformes, plusieurs difficultés pourront être résolues.
Seulement, ces réformes ne prennent pas en compte l’ensemble des textes qui sont sources de difficultés pour les acteurs de la commercialisation de l’or; mais au regard de l’engagement du ministère des mines à revoir les différents textes, nous nous doutons pas que dans les mois à venir, nous soyons invités à apporter nos amendements et modifications sur d’autres projets de réformes.
Avez-vous un dernier mot
La Chambre des Comptoirs d’Or et de Métaux Précieux du Burkina Faso souhaitent que la contribution de l’artisan minier au développement du Burkina Faso puisse s’accroitre; nous souhaitons qu’il y’ai une libéralisation du commerce de l’or au Burkina Faso afin de permettre à tout Burkinabé qui le souhaite, d’acheter de l’or en guise d’épargne, car l’or est une valeur refuse et également une richesse nationale. Autant il est possible d’acheter de l’or produit au Burkina Faso en Europe, autant il doit être possible pour une Burkinabé d’acheter librement dans le respect de la loi l’or produit au Burkina Faso. A ce jour, seule l’Agence Nationale d’Encadrement de l’Exploitation artisanale et Semi-mécanisée est autorisée à vendre de l’or aux particuliers; nous souhaitons pouvoir vendre de l’or aux particuliers également, car l’ANEEMAS est un comptoir national et nous, nous sommes des comptoir privés; nous avons donc en commun la qualification de comptoir.
Nous souhaitons également que la TVA sur la vente de l’or brut soit supprimée car il s’agit d’une des causes de la fraude à la commercialisation de l’or et du développement du marché « noir ». Nous l’avons exprimé aux autorités à plusieurs reprises, mais cela reste lettre morte, depuis bientôt plusieurs années.
En fin, étant l’un des secteurs les plus impacté par la crise sécuritaire que vit notre pays, nous prions que les autorités aient la force nécessaire pour gagner cette guerre, car sans paix, sans sécurité, il n’y a point de développement économique et social.
Interview réalisée par Elie KABORE
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