Mines Actu Burkina : Décrivez-nous le cadre institutionnel, légal et règlementaire de la transition énergétique au Burkina Faso
Le piédestal du cadre légal de la transition énergétique au Burkina Faso est inclus dans l’amateur global de la loi actuelle, la loi n°014-2017/AN du 20 avril 2017 portant règlementation générale du secteur de l’énergie. Ainsi, pour guider le pays vers la transition énergétique, cette loi consacre la diversification des sources d’énergie (le mix énergétique), comme moyen approprié visant à augmenter la part des énergies nouvelles (alternatives et renouvelables) dans la production, qui, pour ce faire, devraient progressivement se substituer aux énergies conventionnelles, jugées polluantes. Au plan institutionnel et règlementaire, ce changement majeur s’est traduit, d’une part, par la formulation d’un bouquet énergétique prenant désormais en compte l’exploitation de ces énergies de substitution et leur intégration formelle dans les politiques sectorielles en matière d’énergie, et d’autre part, par la création de l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ANEREE) ayant pour mission la promotion des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique
Comment le Burkina Faso se prépare pour la transition énergétique ?
Sans se tromper, on peut affirmer que le Burkina s’est déjà inscrit, depuis quelques années, dans la dynamique de ce nouveau paradigme de l’exploitation énergétique avec pour principes cardinaux la mixité et l’efficacité énergétique. Cela s’est matérialisé par la formalisation d’un cadre légal, règlementaire et institutionnel favorable à la transition énergétique depuis 2017. Aussi, en dépit du fait que cette volonté manifeste d’aller vers la transition énergétique se traduit plus dans les textes que dans les réalisations actuelles sur le terrain, il n’en demeure pas moins que le système d’exploitation énergétique du pays amorce inlassablement une trajectoire vers la valorisation de ses sources endogènes renouvelables, en l’occurrence, l’énergie solaire et dans une moindre mesure, les bioénergies. Et c’est fort de cette intention d’aller vers la transition énergétique que depuis 2017, date de la mise en place du nouveau cadre règlementaire, au moins 5 centrales solaires d’une capacité cumulée d’environ 128 MWc ont été réalisées avec d’autres en plein développement. Au cours des dernières années, il faut aussi noter que plusieurs programmes d’électrification solaire ont vu le jour, notamment, dans les zones rurales et péri-urbaines mais également dans les infrastructures publiques et privées, les infrastructures sociocommunautaires (service de santé, écoles, marchés), les espaces publics dont une bonne partie de l’éclairage public et les ménages.
Quel est le taux d’utilisation des énergies fossiles, comparées aux énergies renouvelables ?
En réalité, la part de chacune de ces sources d’énergie dans le bouquet énergétique dépend du type de vecteur énergétique, à savoir si la source fossile ou renouvelable est utilisée pour la production de gaz, d’électricité, de carburant, etc. Dans le cas du besoin en électricité, il faut noter que la part des énergies renouvelables dans la production électrique nationale est très fluctuante au fil des années. Elle est tributaire d’une année à l’autre, à la fois du taux de disponibilité annuel des groupes thermiques, de l’augmentation de la production renouvelable et surtout de l’importation électrique à partir des pays voisins. Ainsi, selon l’annuaire statistique 2022 du ministère en charge de l’énergie, en 2019, 2020, 2021 et 2022, les parts respectives des énergies renouvelables dans la production nationale d’électricité et dans l’offre totale (en prenant en compte l’importation) étaient respectivement de 17,6%, 24,7%, 18,8%, 14,1% et 8,1%, 8%, 8%, 5,6%. Il apparait clairement que la part des énergies renouvelables dans la production électrique reste marginale, malgré le potentiel énorme en sources d’énergies renouvelables dont dispose le pays et les efforts fournis ces dernières années pour développer celles-ci. Mais ce constat laisse entrevoir les énormes potentialités de développement de projets futurs d’énergies renouvelables. A l’instar des pratiques répandues à l’échelle mondiale sur la production et la vente d’électricité renouvelable, ces potentialités représentent un large vaisseau de développement de projets pour les producteurs indépendants d’électricité (PIE).
Comment les sociétés minières peuvent-elles contribuer concrètement à la transition énergétique ?
Avant de répondre à proprement dit à cette question, rappelons que la disponibilité et l’accessibilité de l’énergie impactent profondément la production minière. Cependant, force est de reconnaitre que malgré l’importance du secteur minier sur l’économie nationale, l’énergie électrique, principal facteur de la productivité minière (20 à 30% des charges de production), n’est pas toujours disponible selon les exigences techniques requises (puissance et tension d’alimentation, stabilité de la tension et de la fréquence stable, etc.). Cette situation fort regrettable se traduit par l’absence d’infrastructures électriques adéquates capables d’assurer l’alimentation des activités extractives dans les différentes localités minières. Les défaillances récurrentes dans la fourniture d’électricité, qui entachent la qualité du service, ajoutées au manque de planification appropriée du développement du secteur, ont convaincu, au fil des années, les industries minières à s’orienter vers la mise en place de leurs propres moyens de production. En l’absence d’alternative de production crédible dans les localités d’implantation, l’autoproduction des sociétés minières essentiellement d’origine thermique vise à répondre aux besoins à la fois conjoncturels en attendant l’arrivée de ligne HT du réseau national et structurel en électricité. Mais l’autoproduction sur la base de la production thermique induit des pertes financières à la fois pour les sociétés minières, en raison de coûts exorbitants d’exploitation et d’entretien mais aussi pour la SONABEL qui perd une bonne partie de ses gros clients solvables. Dans le contexte de la transition énergétique où le cout de revient du kWh solaire est en net régression et le cadre législatif et règlementaire favorise le rachat de surplus de production, les énergies renouvelables, en l’occurrence l’électricité solaire, sont une grande opportunité pour les industries minières ; à la fois de réduction des coûts de production, de contribution à la réduction du déficit électrique du pays et de participation à sa transition énergétique. C’est à ce titre que la contribution des entreprises minières à la transition énergétique gagne tout son sens. La SONABEL peut donc s’appuyer sur cette demande minière pour favoriser le développement de nouvelles centrales solaires pour à la fois satisfaire la demande de la mine et alimenter les populations des localités minières. Ce type de convention peut être matérialisé suivant deux options. Ainsi, d’une part, un Producteur indépendant d’énergie (PIE) peut signer une convention d’exploitation tripartite (PIE-Société minière-SONABEL) dans une zone minière assortie d’un Contrat d’achat d’électricité (CAE) avec le client choisi (la mine) et un Contrat de rachat d’électricité (CRE) avec la SONABEL. D’autre part, la convention peut s’établir directement entre la SONABEL et l’entreprise minière, qui fait de l’autoproduction et revend son surplus de production à la SONABEL, à travers un CRE. La mise en place de ces types de convention repose sur l’évaluation du total de la demande du projet minier et des besoins de fournitures hors mine de la région. Cela exige d’étudier en amont les différentes options de développement et de financement du projet en mettant en emphase les rôles respectifs des différentes parties, leurs obligations, leurs responsabilités et leurs relations contractuelles, y compris le partage de risques entre l’Etat central et la SONABEL, le promoteur du projet minier et le producteur indépendant d’électricité, s’il y a lieu.
Comment le secteur minier peut-il apporter des solutions au financement de la transition énergétique ?
Il existe plusieurs options pour le financement de la transition énergétique. Les plus répandues à travers le monde sont basées sur la valorisation des crédits carbones des projets ou des fonds induits du principe du pollueur-payeur. Dans le cas du Burkina Faso, comme je l’ai dit précédemment, le besoin énergétique des entreprises minières peut-être mis à profit pour financer efficacement cette transition énergétique. Le triptyque besoins énergétiques de la mine/besoins énergétiques des régions minières/transition énergétique permet d’établir un partenariat tripartite Etat-SONABEL/Mine/ PIE qui sera bénéfique pour la transition énergétique à cause du coût de revient du kWh de l’électricité renouvelable qui est aujourd’hui largement en dessous de celui d’origine thermique, mais aussi des avantages légaux accordés au rachat de surplus d’électricité d’origine renouvelable.
Une autre alternative pour le financement de la transition énergétique impliquant les mines serait la valorisation des minéraux critiques dont le pays regorge des gites en abondance. Dans l’industrie de fabrication des composants des systèmes d’énergies renouvelables, notamment solaires, ces matériaux de transition sont très prisés et leur demande ne fait qu’augmenter au fil des années. Par exemple, l’exploitation de certains gisements de substances critiques pourrait se faire dans le cadre de conventions spécifiques qui impliqueraient des industries de composants de systèmes solaires, pour qu’une partie des royalties ou des fonds destinés à la Responsabilité sociétale et environnementale de l’entreprise d’exploitation soit dédiée au développement de centrales solaires de grandes capacités.
Qu’appelle-t-on minéraux critiques ?
Les minéraux critiques ou encore minéraux stratégiques ou encore minéraux de la transition énergétique sont des substances minérales ou des métaux essentiels aujourd’hui pour l’industrie des technologies d’énergies renouvelables, en particulier, et plus généralement des technologies moins polluantes, vitales pour la transformation de l’économie mondiale vers une économie à faible émission. Le terme « critique » consacré à une substance est souvent lié au contexte de l’évolution du marché de cette substance relativement aux besoins mondiaux mais également sa disponibilité. Ce terme n’a pas également le même sens selon les situations des pays. La criticité du matériau peut être liée à son importance relative, son abondance ou son importance pour l’activité industrielle mais aussi aux difficultés liées à son approvisionnement au plan mondial. A titre illustratif du regain d’importance des minéraux critiques dans les technologies émergentes, on peut citer l’utilisation de plus d’une dizaine de minéraux critiques dans l’industrie des composants d’énergies solaires et éoliennes, plus d’une quarantaine dans le domaine du numérique essentiellement pour les TIC et associés, près d’une dizaine pour les véhicules électriques, mais aussi dans le domaine de la santé, notamment, pour les équipements de radiothérapie, des IRM, etc.
Le Burkina Faso dispose-t-il de minéraux critiques ?
Bien évidemment, le Burkina Faso dispose de gisements importants de minéraux critiques. Les gites les plus connus sont, entre autres, le gisement de manganèse de Tambao (à + 19 millions de tonnes de minerai à 55% de teneur) et de Kiéré (600 mille tonnes de 43 à 53%), les gisements de Nikel et de cobalt à Bonga, Dablo et Tin Saman (Bonga avec 20 millions de tonnes de réserves à 1,2% de Nikel et 0,05 à 0,5 % de cobalt, Dablo avec 10 millions de tonnes de réserves à 1,5 % de Nikel), les réserves de zinc avec l’important gisement en exploitation de Perkoa (+ 6,9 millions de tonnes de minerai à 18% de zinc), de Nabénia-Tenga et des indices de Tiébélé et Garangole et des anomalies au nord de Gbandjigui et Gongombili, des gites de cuivre à Gaoua, Dienemera – Gongondy , Wayen et Goren, des indices de lithium dont celui de Kangounadéni et d’autres localités, d’Etain et de terres rares à sidéradougou et d’autres localités. Pour ne citer que ces exemples.
Quels sont les avantages des minéraux critiques pour un pays comme le Burkina Faso ?
Les avantages des minéraux critiques pour un pays comme le Burkina Faso sont innombrables. A cause de leur importance graduelle que requiert la demande industrielle dans le contexte mondial de transition énergétique et d’évolution vers des économies moins polluantes, ces substances critiques gravitent désormais autour du centre de gravité de l’économie des matières premières. Elles font l’objet de toutes les convoitises sur les bourses de matières premières ; puisqu’elles sont sollicitées par la quasi-totalité des technologies émergentes ou innovantes, qui les dévorent insatiablement. Par exemple, l’industrie des composants d’énergie solaire utilise des minéraux critiques comme le zinc, le manganèse, le lithium, le cuivre, le cobalt, le Nikel, etc., tous des substances dont dispose le Burkina Faso. Fort de cette situation, notre pays qui dispose d’une large gamme de ces minéraux critiques devrait tirer profit de ce contexte mondial de leur forte demande pour tirer son épingle du jeu. Aussi, les gisements prouvés du pays devraient faire l’objet d’études à la fois minutieuses et avancées pour mieux maitriser leurs potentiels, afin de planifier efficacement leur exploitation et in fine, optimiser l’impact de la production de minéraux critiques sur l’économie nationale. Cela passe nécessairement par l’élaboration d’un cadre législatif et règlementaire spécifique aux minéraux critiques à même de mieux encadrer leur exploitation.
L’exploitation de ces minéraux devrait être une aubaine pour notre pays pour réussir sa transition énergétique. Et cela, au vu de la place importante qu’occupent ces substances dans l’industrie de fabrication des équipements d’énergies renouvelables et autres technologies vertes. Ainsi, au-delà des retombées pour l’économie nationale, l’exploitation des gisements de ces substances pourrait se faire dans le cadre de conventions multipartites qui impliqueraient des industries de composants d’énergies renouvelables, afin qu’une partie des ressources générées soient destinée au développement d’infrastructures énergétiques comme les centrales solaires. C’est à ce prix qu’incontestablement l’exploitation des minéraux critiques aura sa quote-part dans l’atteinte des objectifs visés par la transition énergétique dans notre pays.
Interview réalisée par Elie KABORE
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