Les flux financiers illicites dans le secteur extractif au Burkina Faso sont une réalité. L’étude sur les flux financiers illicites dans le secteur extractif au Burkina Faso, réalisée en 2024 par l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Burkina Faso (ITIE-Burkina), donne des orientations. Elle présente les types de FFI (Flux financiers illicites) dans ce secteur et estime les pertes de revenus pour le pays.
L’analyse des données collectées sur la période 2012-2021 a permis d’estimer la valeur des FFI à environ 4926,14 millions de dollars US, soit environ 3 077,408 milliards FCFA (le dollar à 624,710 FCFA).
Un montant qui dépasse les prévisions de recettes fiscales 2025 du Burkina Faso (2 682,052 milliards FCFA) et qui est presqu’identique aux 3149,793 milliards FCFA de prévisions de recettes totales dans le Budget 2025.
Le rapport a estimé l’impact socioéconomique des FFI. En effet, entre 2015 et 2021, les FFI ont été estimés à 3 686,75 millions de dollars US, contre des recettes minières à 3 116,91 millions de dollars US. Les FFI ont donc représenté 118,28% des recettes minières. La valeur des flux financiers illicites sur la période représenterait environ 15 867 CSPS ou 88 589 établissements primaires. En moyenne sur la période, les FFI ont représenté 37,60% de l’Aide publique au développement.
5 produits concernés, dont l’or, le zinc, l’argent, le manganèse et la dolomite
Ce sont 5 produits qui ont été retenus pour l’estimation des FFI dans les exportations, dont l’or, le zinc, l’argent, le manganèse et la dolomite. Les FFI liés à l’exportation de l’or représentent la plus grande part, avec 61,32% de l’ensemble des FFI de la période. L’analyse comparée des quantités produites et des quantités exportées d’or indique que les quantités exportées d’or ont été généralement supérieures à celles produites. L’écart a été d’environ 06 tonnes d’or en moyenne entre 2012 et 2015.
L’or est suivi du zinc avec 37,65% des FFI. Le montant cumulé des FFI liés à l’exportation de la dolomite, du manganèse et de l’argent représente 1,03% de l’ensemble des FFI. Le premier pays source d’écart positif est l’Inde (543,913 millions $). Il est suivi de l’Espagne (301,016 millions $) et de la Turquie (238,051 millions $).
Les typologies de FFI décelés par le rapport sont, entre autres, le vol de métaux précieux, la commercialisation de l’or sans autorisation, le blanchiment de capitaux en bande organisée, la fraude fiscale, les fausses déclarations de dépenses des travaux des sociétés de recherches.

Les FFI liés à l’or représentent 61,32%
Au regard de la spécificité du secteur extractif qui admet que certaines dépenses en phase de recherche soient intégrées aux charges de la société en phase d’exploitation, il est évident que si les dépenses des travaux sont fausses, les résultats de la société d’exploitation seront minorés, ce qui engendre une perte pour l’État. D’autres typologies sont la vente de l’or entre individus sans passer par les canaux légaux prévus par la législation en vigueur. Aussi, ces individus profitent de la porosité des frontières pour écouler l’or à l’international. Le non-respect de la règlementation des relations financières avec l’extérieur, l’existence des « comptoirs » clandestins sont autant d’autres types de FFI. Ces comptoirs sont parfois hébergés dans des habitations ou des magasins et alimentent la fraude liée à la commercialisation de l’or, le financement de l’exploitation des mines d’or par des individus non formellement identifiés. La non-identification des investisseurs réels dans l’exploitation des mines d’or industrielles et artisanales constitue une source probable de FFI. En effet, ces investisseurs non identifiés fournissent des ressources aux exploitants artisanaux qui sont tenus de leur rétrocéder toute la production. Les artisans produisent alors de fausses déclarations de quantités ou de valeur à l’importation et à l’exportation, avec parfois des faux documents ou falsifiés. On peut citer également le recrutement et le placement d’acheteurs d’or clandestins sur les sites d’orpaillage artisanaux généralement sous contrôle des groupes terroristes et avec l’aval de ces derniers. Cette pratique est source d’activités illégales qui engendrent des FFI et le financement du terrorisme. Une autre pratique consiste à la revente des produits prohibés aux exploitants artisanaux par les détenteurs de permis d’exploitation semi-mécanisée.
Plusieurs facteurs favorisants
Le lien entre le terrorisme et le trafic de l’or est perceptible à travers les informations recueillies, lors du démantèlement d’un réseau de trafiquants d’or dans la région de l’Est, qui a permis de découvrir que le produit de vente du minerai avait été transféré aux groupes terroristes.
Les facteurs favorisants de cette situation sont liés aux insuffisances dans la surveillance, la synergie d’action et la gestion des données, dont la faible connaissance des principaux mécanismes de financement du secteur par les services de l’État. Certains titres miniers sont utilisés à d’autres fins ou octroyés à des prête-noms. La faible maîtrise des opérations de cessions directes et indirectes des titres miniers et autorisations par les services est également un facteur favorisant les FFI.
D’autres facteurs concernent l’insuffisance de ressources humaines, matérielles et financières. le faible accès aux sources d’information et au partage d’information entre acteurs, le mauvais suivi de la chaîne des exonérations, la collusion entre les agents de l’Administration et les entreprises, l’absence de compétences en matière d’analyses financières des documents technico-économiques, la faible connaissance de la valeur marchande de certains matériels miniers, les fausses déclarations de quantités ou de valeur et l’insuffisance juridique dans l’élaboration de la liste minière.
L’étude a mis en évidence l’impérieuse nécessité d’une collaboration plus accrue entre les services techniques du Burkina Faso, d’une part, et d’autre part, entre notre pays, les pays partenaires commerciaux et les Agences internationales chargées de lutter contre le crime, les FFI et les trafics de tout genre.
Elie KABORE
#Mines_Actu_Burkina