L’audit de la Cour des comptes du Burkina Faso sur les flux financiers illicites a été réalisé selon les normes internationales en matière d’audit. Les principaux constats mettent en lumière les techniques utilisées dans le secteur sous la forme de flux financiers illicites dont voici quelques-unes.
Des clauses de stabilisation fiscale et douanière à l’avantage des sociétés minières
Le code minier garantit la stabilisation du régime fiscal et douanier pour les mines industrielles en exploitation, à l’exclusion des mines artisanales. Cette stabilisation s’étale sur la période de validité du permis ou de l’autorisation afin qu’ils ne puissent être concernés par toute augmentation de la charge fiscale. La stabilité fiscale, censée réduire le risque financier et rassurer les investisseurs est malheureusement interprétée à l’unique avantage des sociétés minières. En effet, suite à l’adoption du code en 2003 qui a fixé la part de l’Etat dans le capital social des sociétés à 10%, la mine de Taparko qui a signé sa convention avec l’Etat des années auparavant a revu à la baisse la part de l’Etat dans le capital de la société de 20% à 10%. La mauvaise interprétation et application des clauses de stabilisation fiscale et douanière constitue des manques à gagner pour le Burkina Faso, en termes de recettes et de développement.
Un accès restreint à l’information sur la gestion des compagnies minières
Les bonnes pratiques en matière de transparence prônent l’accessibilité de l’information sur les opérations et actes de gestion des sociétés minières.
L’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique obligent les sociétés à publier et communiquer les informations financières concernant leur gestion. Les états financiers sont transmis aux services des impôts et les procès-verbaux de délibération qui décident du paiement des dividendes sont adressés au trésor public, qui a compétence pour collecter les dividendes que rémunère cette participation. Le décret portant gestion des titres minières et autorisations de 2017 fait obligation aux mines industrielles et semi-mécanisées de déposer un rapport d’activités trimestriel au niveau de l’administration des mines suivant un canevas de rapportage.
Malgré toutes ces dispositions, certaines sociétés minières ne respectent pas cette obligation, et des mises en demeure leur sont adressées. Malheureusement, ces mises en demeure ne sont pas accompagnées de sanctions. En plus, les administrations habilitées, ne se donnent pas toujours les moyens de vérifier la sincérité des informations qui y sont fournies dans les rapports. Il en découle des risques de dissimulation et d’évitement fiscal.
Parfaire la législation sur la criminalisation de l’enrichissement illicite
Le cadre juridique en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme couvre tous les actes illicites y compris la fraude à la commercialisation de l’or. Cependant, des sociétés minières changent de siège sans informer l’administration minière. Des sociétés minières opposent un refus d’accéder à leurs locaux aux agents publics en mission. Ces comportements ne sont pas considérés comme infraction et des sanctions ne sont pas prévues pour ces faits. Il en résulte un risque élevé de commission d’actes générateurs de flux financiers illicites.
Une législation sur les prix de transferts qui tarde à s’opérationnaliser
Les prix de transfert se définissent comme les prix des transactions entre sociétés liées ou appartenant à un même groupe et résidentes dans des pays différents. Des abus de transfert de charges entre ces entités liées conduisent à réduire les bénéfices imposables, et à soustraire des sommes importantes à la fiscalisation. Or, il est fréquent qu’un même groupe dispose de plusieurs sociétés au Burkina Faso et celles-ci effectuent des transactions entre elles. Le Burkina Faso dispose d’une règlementation des prix de transfert se rapprochant du standard international en la matière mais reste perfectible. En effet, il n’existe pas encore de méthode formelle d’évaluation des prix de transfert.
En outre, malgré la possibilité donnée à l’administration de signer un accord préalable sur les prix de transfert avec chacun des contribuables qui le désirent, les modalités de signature de cet accord restent encore à définir. Enfin, l’arrêté fixant la liste des pays ayant conclu avec le Burkina Faso un accord sur l’échange automatique de la déclaration pays par pays n’est pas encore signé.
Accords transactionnels : Non-respect des amendes planchers et des seuils de transaction autorisés
Les dispositions juridiques en matière d’accords transactionnels sont édictées par la loi sur la commercialisation au Burkina Faso. Mais les seuils de transaction autorisés ne sont pas toujours respectés tout comme les amendes planchers. Pourtant, la loi stipule que « le montant de la transaction ne peut être inférieur à 40% de l’amende sans être inférieur à 2 millions FCFA pour l’exploitant artisanal et le comptoir d’achat, de vente ou d’exportation agréé et 20 millions de francs CFA pour l’exploitant industriel ». En outre, il se pose le problème de la gestion des substances précieuses saisies.
Un système d’octroi et de renouvellement des titres miniers à clarifier
Le Burkina Faso dispose d’un cadre légal et réglementaire pour l’octroi, le renouvellement, la gestion des titres miniers et autorisations.
Si le permis de recherche est octroyé pour 03 ans, suivant le critère du « premier venu, premier servi », les dispositions juridiques ne décrivent pas clairement le circuit de traitement des demandes. En outre les demandeurs n’arrivent pas à effectuer des dépôts en ligne.
En outre, les permis qui font l’objet d’abandon, de retrait ou de cession à l’Etat sont reversés au BUMIGEB pour faire l’objet d’évaluation avant toute réattribution. Ces permis peuvent faire l’objet d’appel à concurrence pour être attribués. Mais aucune procédure claire ne permet de publier les appels à concurrence, laissant l’opportunité d’un recours abusif à des procédures exceptionnelles.
Pour le permis d’exploitation, les textes législatifs et règlementaires permettant d’apprécier la capacité financière du demandeur du permis ou de l’autorisation, ainsi que l’origine des capitaux destinés à être investis ne sont pas suffisamment précis. Les demandeurs de permis ne font pas l’objet d’enquête approfondie, pour s’assurer de leur éligibilité et de la qualité des financements.
Synthèse de Tiba Kassamsé Ouédraogo
Encadré 1 :
Minoration de vente par la Société Roxgold
Il a été constaté que la société Roxgold ne déclare pas la totalité des affaires réalisées. En effet, la conciliation a relevé que les chiffres d’affaires après affinage de l’or sont supérieurs à ceux issus des estimations au moment des expéditions. Les droits éludés s’élèvent à 786,854 millions FCFA pour les exercices 2018, 2019 et 2020. A la suite d’un recours, les droits simples arrêtés à 122,993 millions F CFA ont été acquittés ; seules les pénalités d’un montant de 12,536 millions F CFA restent dues.
Encadré 2 :
Affaire 61 kg d’or du comptoir MAÏGA
La Brigade mobile de Douanes de Koudougou a effectué une saisie de 61kg d’or. La BNAF, saisie de l’affaire, a eu gain de cause suite à un premier jugement au Tribunal de grande instance de Koudougou. Elle n’a pas osé demander confiscation et saisie dudit or afin de le vendre pour rentrer dans ses droits. En appel, le jugement a été infirmé en faveur du comptoir MAÏGA, avec une décision du juge indiquant de lui restituer l’or. La BNAF, s’est pourvu en cassation, mais a pris la décision de remettre l’or sans attendre le dénouement du procès et sans aucune garantie ou caution contrairement aux dispositions du code de procédure pénale. Avec la remise de l’or, les intérêts de l’Etat n’ont pas été sauvegardés