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« Dans le secteur minier comme ailleurs, leur inclusion n’est pas une faveur, mais une nécessité », KABRE/KABORE Lucie, Présidente de AFEMIB

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KABRE/KABORE Lucie, est Secrétaire de direction de formation, avec une solide expérience en gestion administrative acquise dans des ONG de développement communautaires et dans une compagnie de recherche minière, aujourd’hui fermée à cause de la crise sécuritaire. Parallèlement à sa carrière professionnelle, elle s’est investie dans les domaines du genre, de la cohésion sociale, du développement communautaire, de la RSE et de la gestion de projets, à travers une licence en genre et cohésion sociale et plusieurs formations spécialisées. Elle adhère à l’Association des femmes du secteur minier du Burkina Faso (AFEMIB) en 2014, où elle a contribué activement aux actions de terrain et à la structuration des interventions dans les zones minières. En 2020, elle a été élue Présidente de l’AFEMIB, un mandat renouvelé en 2023 pour une durée de trois ans. Son engagement se concentre sur l’autonomisation des femmes, leur accès aux opportunités économiques et leur reconnaissance comme actrices majeures du développement dans le secteur extractif.

Qu’est-ce qui a justifié la création de l’AFEMIB ?

L’AFEMIB est née de la volonté de briser l’invisibilité des femmes dans le secteur 6 minier. Bien qu’actives, notamment dans l’orpaillage, l’administration publique, elles étaient peu représentées dans les postes de décision, marginalisées dans les bénéfices de l’exploitation et absentes des politiques minières. La création de l’AFEMIB a permis de construire un cadre structurant, où les femmes du secteur peuvent s’organiser, se former, s’entraider et faire entendre leur voix. A sa création, elle a joué un rôle fondamental dans la gouvernance du secteur. Elle était comme une structure rattachée au ministère des mines et a été au cœur des premiers évènements miniers tels que PROMIN et la création de la Chambre des mines du Burkina.

Comment appréciez-vous la contribution de l’AFEMIB à l’amélioration de la situation des femmes ?

Sur le plan institutionnel, l’AFEMIB est aujourd’hui représentée dans plusieurs structures, commissions et comités clés liés à la gouvernance du secteur minier. Cette présence stratégique lui permet de faire entendre la voix des femmes et de veiller à ce que leurs besoins soient mieux pris en compte dans les politiques et les pratiques minières.

L’association participe activement aux réflexions et à l’élaboration de textes importants, tels que le Code minier, la stratégie nationale sur le contenu local et d’autres cadres réglementaires essentiels pour l’inclusion sociale et économique dans le secteur. Le guide d’utilisation du FNDL élaboré par le ministère des mines est une proposition de l’AFEMIB, depuis 2009. Depuis plus de deux décennies, l’AFEMIB a ouvert des perspectives nouvelles pour les femmes du secteur minier, notamment en facilitant leur accès à des postes de responsabilité, parfois dans la discrétion, mais toujours avec détermination, en encourageant la formation professionnelle, l’entrepreneuriat, et la création d’activités génératrices de revenus, en sensibilisant les femmes à leurs droits, à leur valeur, et à leur capacité à être actrices du changement. Nous avons également œuvré pour leur représentation dans les instances décisionnelles, tant au niveau local que national, afin qu’elles puissent participer aux choix qui les concernent directement. L’AFEMIB n’est pas seulement une voix. Elle est un levier d’action, un espace de solidarité et de construction d’un secteur minier plus inclusif, plus juste, et plus durable.

AFEMIB a appuyé la formation en production de soumbala

Quel est l’état des lieux de la femme dans le secteur minier aujourd’hui ?

En 2023, parmi 9 351 employés dans 12 compagnies minières industrielles, seules 872 sont des femmes, soit 9,3 % Dans l’artisanat aurifère, les statistiques ne sont pas fiables mais leur présence atteint environ 29 % des acteurs du secteur. Les femmes sont également peu représentées dans les institutions publiques. Les femmes sont aujourd’hui nombreuses dans certaines fonctions de soutien dans les compagnies industrielles. Cependant, elles restent sous-représentées dans les fonctions techniques et de décision. Leurs conditions de travail dans l’orpaillage sont souvent précaires et marquées par des risques sanitaires, environnementaux et sociaux. Mais les mentalités évoluent, grâce à la sensibilisation, aux politiques d’inclusion et à la structuration des groupements féminins, où AFEMIB joue un rôle moteur.

Comment appréciez-vous la contribution de l’AFEMIB dans la promotion du genre dans le secteur minier ?

L’AFEMIB a su faire du genre un levier stratégique dans le développement minier. Par nos plaidoyers, nous avons obtenu que la dimension genre soit intégrée dans les politiques locales et nationales. Nous collaborons avec les communes, les compagnies minières, les institutions et les partenaires pour renforcer la participation des femmes à tous les niveaux. L’approche genre discours marginal, mais comme une exigence de durabilité et d’équité.

Pourquoi avoir fait de l’autonomisation des femmes dans les zones impactées votre cheval de bataille ?

Parce que ce sont elles qui, souvent, paient le prix le plus élevé de l’exploitation minière : perte de terres agricoles, appauvrissement, déscolarisation des enfants, vulnérabilité accrue. Les autonomiser leur permet de redevenir actrices de leur propre vie, de créer des revenus, d’avoir une voix dans les décisions communautaires. C’est aussi renforcer la résilience de toute la société face aux chocs économiques et sociaux.

L’AFEMIB a 25 ans d’existence. Quels sont les projets dont vous êtes la plus fière ?

Le bilan est globalement très positif. L’AFEMIB a touché des milliers de femmes à travers des sensibilisations, des formations, 8 etc. Elle a permis l’émergence de groupements économiques solides, mené des plaidoyers efficaces pour l’équité, et instauré une culture de formation et d’autonomisation dans plusieurs zones minières. Je suis particulièrement fière des projets de transformation des produits locaux, des initiatives de charbon écologique, des formations en gestion et en leadership, ainsi que de notre travail autour du Fonds Minier de Développement Local (FMDL) pour que les femmes bénéficient réellement des retombées minières. Pour amplifier notre impact, nous avons besoin de financements stables, de reconnaissance institutionnelle renforcée, et de mécanismes qui facilitent l’accès des femmes à la commande publique et aux grands marchés.

AFEMIB a appuyé la formation en production de savon

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez sur le terrain et comment les surmontez-vous ?

Les défis auxquels l’AFEMIB fait face sont nombreux et parfois structurels. Tout d’abord, le faible accès aux ressources pour soutenir les femmes dans le besoin reste une difficulté majeure, notamment dans les zones minières où la pauvreté est marquée. Ensuite, le caractère volontaire de l’AFEMIB complique notre fonctionnement quotidien. Nos membres, bien que très engagées, ont des responsabilités professionnelles et familiales, qui limitent le temps qu’elles peuvent consacrer à l’organisation. Cela freine la mise en œuvre rapide de certaines actions sur le terrain. Nous faisons également face à un manque de ressources pour recruter un personnel permanent, ce qui empêche de mettre en place un bureau exécutif fonctionnel à plein temps, capable de coordonner et de mobiliser les ressources, les projets et les partenariats avec efficacité. En parallèle, le manque d’opportunités de financement devient de plus en plus préoccupant. Les projets se font rares, la compétition est plus forte, et cela limite notre capacité à répondre à la demande croissante d’accompagnement. Sur le terrain, d’autres difficultés se posent dont la mobilité des orpailleuses, qui rend le suivi des activités difficile dans certaines zones, l’analphabétisme, qui freine la participation active de certaines femmes aux formations ou processus de décision, des barrières socioculturelles encore présentes dans certaines communautés, limitant l’autonomisation des femmes. Pour faire face à ces défis, nous misons sur le renforcement continu des capacités de nos membres, le développement de partenariats techniques et financiers pour élargir notre champ d’action, la structuration progressive de nos représentations locales pour garder un lien de proximité avec les femmes dans chaque zone minière, et une stratégie de sensibilisation permanente à tous les niveaux – local, national et auprès des partenaires- pour faire comprendre l’enjeu fondamental de l’inclusion des femmes dans le développement minier. Malgré les obstacles, nous restons déterminées à faire avancer notre mission, pas à pas, avec résilience et conviction.

Avez-vous un message particulier à faire passer ?

Je voudrais rappeler que les femmes sont au cœur du développement local. Dans le secteur minier comme ailleurs, leur inclusion n’est pas une faveur, mais une nécessité. L’AFEMIB continuera à se battre pour une meilleure reconnaissance, une redistribution équitable des bénéfices, et un avenir où chaque femme pourra construire son propre succès, en toute dignité. J’aimerais également rendre un hommage appuyé à nos aînées, ces pionnières visionnaires qui ont eu le courage et la lucidité de créer l’AFEMIB. Nous sommes fières d’elles et leur engagement nous inspire chaque jour. Mes remerciements vont également au ministère en charge des mines pour son écoute et son accompagnement, à toutes les structures publiques qui nous ont soutenues, aux compagnies minières partenaires qui ont cru à l’importance de l’intégration du genre dans leurs actions, aux institutions internationales, ONG et partenaires techniques qui nous accompagnent sur le terrain, à toute structure qui, à travers l’AFEMIB, a permis d’apporter un mieux-être à une femme du secteur minier. Je tiens à remercier particulièrement le PARGFM, pour la qualité de la collaboration, ainsi que les missions diplomatiques qui nous ont soutenues et continuent de croire en notre vision. Enfin, j’invite toutes les femmes du secteur à se lever, à croire en elles, à se former, à s’engager, et à donner le meilleur d’elles-mêmes pour que les générations futures héritent d’un secteur plus juste et inclusif. AFEMIB, pour que l’or brille pour toutes les femmes !

Elie KABORE

#Mines_Actu_Burkina

Encadré

Les activités phares qui ont eu des impacts sur le terrain

• Les formations en éducation financière et entrepreneuriat feminin, en leadership, en RSE, en genre et sur les sessions techniques,

• Les ateliers de plaidoyer auprès des communes et du gouvernement pour intégrer les femmes dans les plans de développement,

• Le projet de renforcement de capacités pour 500 femmes dans 10 communes minières (2024-2025) : Ce projet a concerné le renforcement des capacités de 500 femmes et jeunes dans des activités génératrices de revenus (AGR) adaptées au contexte local : maraîchage, aviculture et petits ruminants, transformation agroalimentaire, warrantage et exploitation minière. Les équipements sont en cours d’acquisitions grace au PARGFM. Il permet à ces femmes d’être outillées pour créer ou renforcer des activités économiques durables, tout en contribuant à la réduction de la pauvreté et à la résilience des communautés. Le projet a abouti à la création de 20 coopératives.

• L’accompagnement des femmes et jeunes de 5 communes minières à l’élaboration de leur plan d’action via la Recherche-Action Participative (RAP) : Menée entre 2023 et 2024 : Elle a débouché sur la formulation de plans d’actions concrets, co construits avec les acteurs locaux, pour intégrer les femmes dans les prises de décision et les projets financés par les ressources minières. Les plans sont pris en compte dans l’actualisation des PCD au niveau de quatre communes : Gogo, Boudry, Mogtédo et Gagassi.

• La facilitation à l’accès au crédit grâce au fonds de garantie déposé dans des caisses populaires pour permettre aux artisanes minières de mener des AGR.

• La mise en place d’une AVEC pilote à Boudry qui a permis à 60 femmes de cotiser plus de 4 millions en 9 mois.

• Le plaidoyer sur le FMDL qui a abouti à l’élaboration du guide d’utilisation que AFEMIB a suggéré en 2019.

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