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Marie-Rose Aïda Tamboura est la première femme à diriger une société minière au Burkina Faso

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Marie-Rose Aïda Tamboura est la première femme à diriger une société minière au Burkina Faso au début des années 2000. À cette époque, aucune femme n’occupait un poste de haut niveau dans une société minière. Mais Aïda Tamboura a su poser les bases. Avec d’autre femmes, elle a créé l’Association des femmes du secteur minier du Burkina Faso (AFEMIB). Elle se souvient du contexte de création de l’AFEMIB, 25 ans après.

Qu’est-ce qui a justifié la création de AFEMIB ?

En décembre 2000, le gouvernement burkinabè a organisé une grande rencontre sur la promotion minière à Ouaga, le MIGA 2000. Nous étions 5 ou 6 femmes dans l’exploration parce qu’en ce moment, il n’y avait pas d’exploitation industrielle. Nous nous sommes posées la question, qu’est-ce que l’on pouvait faire pour les autres femmes qui évoluent dans l’exploitation artisanale ? Plusieurs ministres des mines de plusieurs pays étaient présents au MIGA et nous avons profité de l’occasion pour en parler. Mais le déclic est intervenu en 2003. La Banque mondiale, qui avait suivi nos travaux, nous a invité à Accra 10 au Ghana pour participer à une rencontre sur le secteur minier. A cette rencontre, participaient des femmes des pays de l’Afrique centrale, l’Afrique australe et de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons posé à l’occasion les bases d’une association africaine. Le processus n’est pas allé loin mais une fois au pays, nous avons poursuivi les réflexions. Avec d’autres femmes comme Germaine Ilboudo, Asseta Zergo, Maïmouna Guembré, Tapsoba Aissata, Delphine Ouédraogo, nous avons tenu des réunions à l’ex Comptoir burkinabè des métaux précieux (CBMP), ce qui a abouti à la mise en place de l’AFEMIB. Nous avons finalement obtenu notre récépissé en juillet 2004. En ce moment, le volet mine était avec le ministère du commerce. Je suis honorée que certains reconnaissent aujourd’hui que l’action de AFEMIB a contribué à la création d’un ministère dédié aux mines. Le ministre Kader Cissé a par la suite accepté AFEMIB comme membre du CASEM du ministère. AFEMIB a participé activement aux journées portes ouvertes « Promin » en 2006. A ce Promin, le ministère nous a autorisé à inviter d’autres femmes de l’Afrique. Notre dynamisme a permis à l’UEMAO de nous associer à la rédaction de sa politique minière. En 2014, il n’y avait que trois pays où ils existaient des associations de femmes dans le secteur minier. A trois, nous nous sommes constituées en Association de femmes dans le secteur minier de l’espace UEMAO (WIM-UEMAO) dont le lancement a eu lieu en 2015 en Cote d’Ivoire. J’ai assuré la présidence pendant 2 mandats. Les autres pays ont créé leur association après. L’Association compte actuellement 14 pays de l’Afrique de l’ouest. Je remercie tous ceux qui nous ont fait confiance.

Avez-vous rencontré des difficultés ?

Bien sûr ! Il n’y avait pas autant de femmes dans le secteur où il n’y avait que l’exploration. Je me rappelle que j’ai interpelé le ministre des mines de l’époque en lui demandant de favoriser la formation des femmes. Il m’a répondu : « Elles ne veulent pas quitter leur poste de chef de service ».

On a mené un combat perpétuel pour que l’on reconnaisse la femme et la placer à la bonne place. Comme dans toute association, nous avons plusieurs membres, mais peu de personnes travaillent. Il fallait s’investir pour que les choses avancent.

Comment appréciez-vous la contribution de l’AFEMIB dans la promotion du genre dans le secteur minier ?

AFEMIB a beaucoup contribué dans la formation pour que les uns et les autres comprennent ce que lc’est que le genre et sa prise en compte. Ces formations ont contribué à une prise de conscience que tout le monde doit jouer un rôle dans le secteur. Dès que les premières mines ont débuté leur production, nous avons encore plaidé pour les femmes. Je me rappelle qu’un expatrié canadien avait décidé de ne recruter « Zéro femme ». Nous avons bataillé pour casser ce code. Nous avons étendu les formations aux femmes qui évoluent dans le secteur industriel et artisanal pour qu’elles puissent saisir les opportunités et être dans la sphère de décision. L’association a mené plusieurs activités qui ont eu des impacts. En marge de la première édition de la SAMAO, elle a organisé une rencontre sur l’expérience des Fonds miniers en Afrique. Plusieurs invités étaient des femmes de l’Afrique de l’ouest. C’est à partir de cette rencontre qu’est née la campagne 30% des ressources du fonds miniers de développement local en faveur des femmes. Mais je regrette que jusque-là, au Burkina Faso aucune femme n’a pu accéder au poste de Directrice générale d’une compagnie minière en exploitation. AFEMIB a également mené des activités en faveur de l’accès aux crédits par les femmes pour des investissements. Elle a préparé les femmes de la région de l’Est pour qu’elles puissent saisir les opportunités avec l’implantation de la mine de Boungou. A Yéou, 3 hectares ont été aménagés et exploités par les femmes dans le domaine de la maraîchère -culture. Nous avons bénéficié d’un financement de 75 millions FCFA de l’Ambassade de France et de la mine Nordgold pour financer cette activité qui a été couplée avec l’alphabétisation, l’apprentissage à la rédaction d’un business plans. L’investissement a permis de mettre en place un château d’eau pour la consommation et pour l’irrigation. Plus d’une cinquantaine de personnes y compris les hommes en ont bénéficié.

Vous êtes actuellement la coordonnatrice Delve exchange francophone qu’est ce qui a motivez votre passage du secteur minier a l’EMAPE)

C’est la renommée de AFEMIB qui est à la base. L’activité artisanale me passionne parce que l’on y retrouve un effectif important de femmes. Elles évoluent dans les activités génératrices de revenus, elles concassent, lavent le minerai, etc. mais qui sont mal rémunérées. Il faut les prendre en compte dans tous les programmes. Même pendant les réunions, les femmes sont toujours en retrait.

Les conditions de vie et de travail des femmes sur certains sites ne sont pas enviables. Quel avenir pour ces femmes sur les sites artisanaux ?

A Kongoussi, j’ai vu une femme manger dans la même casserole qu’elle a utilisé pour le lavage du minerai avec le mercure. J’ai vu des femmes boire de l’eau mélangé avec du ciment au motif de maintenir leur grossesse en bon état. Delve exchange est une plateforme créée par AWIMA, la Banque mondiale et l’Université de Brisbane, avec un focus sur la formalisation ; ce qui suppose la formation, l’encadrement dans la transparence. La formalisation rencontre des difficultés par manque de formation. L’artisan minier n’a pas accès à toutes les informations comme les procédures d’accès aux titres miniers, l’information géologique, le prix de l’or, etc. Ils sont confrontés aux contraintes administratives, au problème sur la gestion des sites miniers, etc. La phase 1 de Delve exchange qui a débuté en 2021 est dédiée aux acteurs miniers artisanaux afin que ces derniers disposent d’un espace d’expression. De bons exemples existent dans le secteur. A Djakaradougou, on observe une séparation des activités sur le site, avec des forages pour eau potable, des crèches pour éviter la présence des enfants sur le site (goutée le matin et repas de midi). L’école est dotée d’un potager pour apprendre aux enfants la culture maraîchère, une infirmerie a été installée dans un contenaire avec 2 infirmiers pour les premiers soins. Ces bons exemples sont à dupliquer.

Quel conseil pouvez-vous donner pour que ce secteur puisse profiter à la jeunesse ?

La jeunesse doit savoir que l’on ne peut rien avoir sans sacrifice. Rien ne s’obtient gratuitement et rien n’est acquis à l’avance. Il faut batailler pour trouver sa place mais dans le professionnalisme, la détermination à atteindre ses objectifs. Il faut éviter les compromissions et les raccourcis et cultiver la considération. Les jeunes doivent se cultiver et se dépasser. Être conscient de sa valeur, ses compétences et se construire un bon réseau.

Interview réalisée par Elie KABORE

#Mines_Actu_Burkina

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