Stéphanie B. Serena DABIRE est une professionnelle de la finance et de la comptabilité avec plus de 14 années d’expériences dans l’optimisation du processus budgétaire, la production détaillée des rapports financiers et le management des indicateurs de performances (KPI) dans l’industrie minière plus particulièrement à Roxgold SANU SA, actuellement membre du groupe SOLEIL RESOURCES. Titulaire d’un master en comptabilité et contrôle de gestion, elle a débuté sa carrière professionnelle très jeune, juste après son BAC, dans une entreprise de prestation de services informations et de commercialisation du matériels informatiques d’où elle a pu acquérir une solide base en comptabilité dans le service facturation et de recouvrement. Elle a travaillé par la suite dans le secteur bancaire entre 2009 à 2010, et en 2011, avec le boom du secteur minier au Burkina-Faso, elle a rejoint Roxgold d’où elle a occupé, le poste de comptable fournisseur, comptable fournisseur senior, chef comptable et de surintendant finance en 2023, poste que j’occupe actuellement au sein de la structure.
Comment le rôle de Surintendante des finances contribue-t-il à la performance des opérations minières?
En tant que Surintendante des finances, mon rôle est de superviser l’ensemble des activités financières de la mine, en veillant à ce que les ressources soient utilisées de manière optimale, transparente et stratégique. Je suis responsable de la planification budgétaire, du suivi des coûts, de l’analyse des écarts, de la gestion des flux de trésorerie, et de la production de rapports financiers destinés à la direction locale et au siège social. Je travaille aussi en étroite collaboration avec les équipes des opérations, de l’approvisionnement, de l’entretien et des ressources humaines pour assurer un alignement entre les décisions financières et les objectifs opérationnels. Mes décisions financières ont un impact direct sur plusieurs aspects critiques des opérations minières.
Si nous prenons le volet optimisation des coûts, en mettant en place des mécanismes de suivi précis des coûts de production, je peux identifier les inefficiences, recommander des ajustements, et soutenir les équipes opérationnelles dans la recherche d’économies sans compromettre la sécurité ou la production. Concernant la gestion des risques financiers, je contribue à protéger la mine contre la volatilité des prix des matières premières, les fluctuations de devises, ou encore les enjeux liés aux contrats fournisseurs, en mettant en place des stratégies de couverture ou des contrôles internes efficaces. En matière d’aide à la prise de décision, je fournis des rapports analytiques fiables avec des données chiffrées et des projections qui permettent à la Direction générale d’orienter les choix stratégiques, qu’il s’agisse de moduler la cadence de la production, de prioriser certains chantiers ou de revoir les partenariats d’approvisionnement. Et enfin sur le volet conformité et transparence, je m’assure que toutes les pratiques financières soient conformes aux normes comptables, aux règlementations locales et aux engagements de l’entreprise en matière de responsabilité sociale et environnementale, ce qui est essentiel pour la réputation et la durabilité de nos opérations.
Comment la mise en œuvre de la loi sur le contenu local impacte-t-elle la gestion des ressources financières au sein de l’entreprise ?
La loi sur le contenu local, qui impose aux entreprises minières de favoriser les fournisseurs, prestataires et main-d’œuvre locaux, peut, à première vue, représenter une contrainte réglementaire. Mais bien gérée, elle offre plusieurs opportunités budgétaires et stratégiques pour l’entreprise. Le premier point que je citerai, c’est la réduction des coûts logistiques. Travailler avec les fournisseurs locaux permet souvent de réduire considérablement les frais de transport, les délais de livraison, et les coûts liés aux stocks et à la chaine d’approvisionnement. En deuxième point, j’invoquerai, l’agilité opérationnelle accrue. Des partenaires locaux réactifs facilitent les ajustements en temps réel dans les opérations. Cela se traduit par une meilleure efficacité dans les dépenses opérationnelles, notamment en cas d’imprévus ou de pannes. L’intégration du contenu local modifie la façon dont les ressources financières sont planifiées et allouées. Il faudra prévoir des budgets spécifiques pour le renforcement de la capacité des entreprises locales, ce qui peut être vu comme un investissement stratégique. Il faudra aussi travailler à minimiser le risque fournisseur. En effet, travailler avec des entreprises moins expérimentées peut nécessiter des mécanismes de contrôle plus rigoureux pour éviter des ruptures d’approvisionnement, des retards ou des écarts de qualité. La loi sur le contenu local, si elle est intégrée de façon proactive dans la stratégie financière, devient une véritable opportunité de développement durable, d’ancrage territorial et d’optimisation budgétaire à moyen terme. Elle pousse les entreprises minières à innover dans les modèles économiques tout en renforçant leur légitimité locale.
En tant que femme, comment surmontez-vous les obstacles qui se dressent dans votre travail ?
Être une femme à un poste de direction dans le secteur minier, c’est à la fois une fierté et un défi. C’est un environnement historiquement masculin, où la présence féminine, surtout dans les postes décisionnels, reste encore marginalisé. Parmi les principaux défis, j’ai dû faire face à un regard sceptique au début, une forme de doute non exprimé, mais palpable : « Est-ce qu’elle est vraiment capable ? Est-ce qu’elle comprend la réalité du terrain ?». Il fallait parfois en faire plus que mes collègues pour être prise au sérieux. Mais ces obstacles, je les ai transformés en leviers de motivation. Je me suis appuyée sur mes compétences, ma rigueur, ma capacité d’analyse et ma vision stratégique pour démontrer ma valeur. J’ai appris à m’affirmer, à prendre la parole avec assurance et à défendre mes décisions avec des données solides. Le respect s’impose non seulement avec le temps, mais aussi par le travail, les résultats concrets, et surtout, la constance. Un autre aspect important, c’est le soutien que j’ai reçu de certains collègues, hommes comme femmes, qui ont cru en mes capacités et m’ont aidée à progresser. A mon tour aujourd’hui, j’essaie d’ouvrir la voie à d’autres femmes, en les accompagnant, en les encourageant, et en montrant par l’exemple que leur place est ici, à tous les niveaux de l’entreprise. En résumé, ce n’est pas facile, mais c’est possible. Et je crois que chaque femme qui réussit dans ce secteur contribue à changer durablement les mentalités.
Qu’est-ce qui peut être fait pour que plus de femmes occupent des postes financiers au sein du secteur minier ?
Je suis convaincue que l’avenir des femmes dans les postes financiers du secteur minier est prometteur, mais il dépend de la volonté collective de transformer l’industrie. Les femmes ont toutes les compétences requises pour exceller dans les fonctions stratégiques, et nous voyons déjà des progrès. Pour que cette évolution devienne une norme et non l’exception, l’industrie doit accélérer ses efforts. L’industrie minière peut aller chercher les talents féminins dès les premières années de formation en finance, gestion ou ingénierie, et leur faire découvrir les opportunités du secteur minier, souvent méconnu. Je recommande aussi de créer un environnement de travail inclusif, en instaurant des politiques de carrières plus flexibles, un engagement fort contre les biais inconscients, et une culture managériale qui valorise la diversité des points de vue. Enfin, mettre en lumière les modèles féminins qui occupent aujourd’hui des rôles clés dans l’industrie minière. Elles inspirent les plus jeunes et contribuent à normaliser leur présence dans les sphères stratégiques. Pour conclure, je dirai que l’intégration des femmes dans les fonctions financières du secteur minier n’est pas seulement une question d’équité, c’est un facteur de performance et de durabilité. Diversifier les profils dans les postes décisionnels, c’est enrichir la réflexion stratégique, améliorer la gestion des risques et valoriser une croissance plus équilibrée. Je suis optimiste, car les choses changent et plus nous serons nombreuses à occuper ces rôles, plus il sera naturel pour les générations suivantes d’y aspirer et d’y réussir.
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